Amoureux de la jeune fille, le jeune
homme ne peut se retenir de louer sa beauté. Il redit ici au sujet de son
visage ce qu’il a déjà dit lors de la 3ème rencontre : Cantique 4,1-2. L’amour, dans les compliments qu’il
nous pousse à exprimer à propos de l’être aimé, ne craint pas les répétitions. Ce
qui est juste et agréable à entendre ne lasse pas. C’est pourquoi l’Ecriture
aussi insiste tant sur le prix que Dieu attache à ses élus. Ils sont ceux avec
qui il va passer l’éternité. Il veut qu’ils sachent à quel point la communion
qu’il entretient avec eux est désirable. L’apôtre aussi, dans son amour pour ses
frères et sœurs, n’a pas peur de se répéter. « Je ne me lasse pas de
vous écrire les mêmes choses, dit-il aux Philippiens, et pour vous cela est
salutaire : Philippiens 3,1. » Sommes-nous
de ceux qui, régulièrement, disent aux autres combien et pourquoi nous les
estimons ? Il y a ici un devoir et une exigence de l’amour mutuel.
Il peut y avoir 60 reines, 80
concubines et des jeunes filles en quantité incalculable, ma colombe, ma
parfaite, est unique.
S’il y a un homme qui était en
mesure d’évaluer la beauté de la jeune fille, c’était Salomon. A la fin de sa
vie, le harem qu’il s’était constitué dépassait l’entendement. « Il
eut, dit l’Ecriture, 700 princesses pour femmes et 300 concubines : 1 Rois 11,3. » Aussi, les chiffres qu’il
mentionne ici ne sont pas aléatoires. Ils correspondent à la réalité de la
situation qui est la sienne au moment où il écrit le Cantique des cantiques.
Salomon est en pleine force de l’âge. Sa passion dévorante pour les femmes le
pousse à s’unir à toutes celles qui l’attirent. Tous les rois de son temps
faisaient, certes, de même. Mais la loi prévoyait qu’il devait en être
différent pour le roi qui gouvernerait Israël. « Qu’il n’ait pas un
grand nombre de femmes, dit Moïse, afin que son cœur ne se détourne pas de l’Eternel :
Deutéronome 17,17. » La déclaration que
fait Salomon ici à la jeune fille a beau être flatteuse. Elle ne peut que
sonner faux à ses oreilles. Si la jeune fille est unique pour lui, il faut qu’elle
le soit aussi dans les faits. Si elle est parfaite, il n’a nul besoin de s’attacher
à d’autres. Quelle femme supporterait d’entendre son amant lui dire qu’elle est
sa reine, alors qu’à côté d’elle, il en aime des dizaines ? Le trône du cœur
ne peut être partagé, sous peine d’infidélité et de mensonge.
Prenons-nous conscience pour
nous-mêmes de la portée de nos déclarations d’amour ? Subjugué par
nos sentiments, nous pouvons exprimer les adulations les plus touchantes à l’adresse
de l’être aimé. Si les faits démentent ce que disent nos paroles, nous sommes
menteurs. Ce que Dieu aime par-dessus tout, c’est la vérité. C’est une vie, des
attitudes qui démontrent la véracité de ce qui est affirmé. Jésus l’a souligné à
ses disciples. La est unique. marque d’authenticité d’une vie qui lui est offerte ne se
situe pas au niveau des allégations formulées, mais dans une mise en pratique
conséquente : Matthieu 7,21. Il n’y a rien de
plus blessant pour un cœur que de lui déclarer sa flamme tout en brûlant aussi
pour d’autres. La déception ne pourra être qu’à la hauteur de l’attente suscitée.
Elle est unique pour sa mère,
elle est la préférée de celle qui lui a donné le jour.
C’est la 3ème fois que
dans le livre, il est fait allusion à la mère de la jeune fille. A son début, celle-ci
témoigne des rapports difficiles qu’elle entretient avec ses frères. A cause de
sa couleur de peau, semble-t-il, les fils de sa mère (peut-être ses demi-frères),
se sont irrités contre elle : Cantique 1,6.
Cette première mention du milieu familial de la jeune fille indique qu’elle n’a
pas grandi au milieu d’une fratrie bienveillante à son égard. La jeune fille
évoque ensuite la maison de sa mère lors de la 2ème rencontre. Ayant
trouvé son bien-aimé, après l’avoir cherché, elle ne le lâche plus. Elle le
conduit à la maison de sa mère, dans la chambre nuptiale où elle a été enfantée :
Cantique 3,4. Elle signifie par cet acte sa
volonté d’être sa femme, la mère de ses enfants. Ici, la citation de la mère de
la jeune fille est englobée dans la louange que lui adresse Salomon à propos de
sa perfection. La jeune fille, dit-il, n’est pas au-dessus de toutes les autres
seulement pour lui. Elle l’est aussi pour sa mère, bien que celle-ci ait eu d’autres
enfants. L’attention que Salomon porte à ce fait démontre qu’il n’est pas
anodin pour lui. L’appréciation qu’il a de la jeune fille rejoint celle de la
femme qui la connaît le mieux : celle qui l’a enfantée. Se faisant, il
donne ici une suggestion pleine de sagesse à tous les amoureux d’une jeune
fille. Les futurs gendres auraient tout intérêt à la suivre. Quelle opinion a
la maman de sa fille ? Quelle relation ont-elles entre elles ?
Est-elle appréciée ou source de chagrin et d’inquiétude pour elle ? Une
fille ne sera pas différente avec son futur mari que ce qu’elle a été pour sa
mère. Une juste connaissance des attitudes de la personne aimée dans son milieu
familial peut éviter bien des déconvenues dans l’avenir, si le futur conjoint y
est attentif ! Cela vaut pour les filles, mais aussi pour les garçons !
Les filles la voient et la disent
heureuse, les reines et les concubines aussi, et elles font son éloge.
Salomon tient à le dire :
les raisons pour lesquelles la jeune fille est l’élue de son cœur ne tiennent
pas qu’à lui. Dans sa famille, elle était déjà l’élue de l’affection de sa mère.
Dans l’entourage du roi, toutes les femmes qui lui sont proches sont unanimes :
la beauté de la jeune fille la rend digne d’être l’élue royale du souverain. Si
le destin existe, manifestement la jeune fille n’a pas été créée pour se fondre
dans l’anonymat. Elle a été faite à dessein pour une destinée précise et
glorieuse. Si elle ne le voit pas, tous ceux qui la côtoient sont un sur le
sujet. L’accord général de toutes les femmes sur ce point ne lui apporte-t-il
pas la preuve suffisante pour la convaincre que là se trouve son avenir ?
Il est toujours important, dans
une question qui se pose, d’écouter l’avis de ceux qui nous sont les plus
proches. La même opinion, partagée par tous sur un sujet, est un point d’appui
qui a son poids. La décision finale, cependant, n’appartient pas aux autres,
mais à la personne concernée. Si celle-ci, malgré le nombre, a dans son cœur une
conviction différente, c’est elle qui prime. Alors qu’il s’apprêtait à se
rendre à Jérusalem, l’apôtre Paul fut averti par un prophète des tribulations qui
l’attendaient. Poussés par leurs sentiments, ses compagnons le pressèrent de
renoncer à son projet. Paul ne céda pas à leurs arguments. Convaincu que c’était
là la volonté de Dieu pour lui, il monta dans la capitale juive où il vécut ce que
l’envoyé de Dieu lui avait prédit : cf Actes 21,10
à 14. L’influence de l’entourage peut être le moyen de Dieu qui confirme
ce que nous pensions déjà. Mais il peut aussi être un outil dont le Malin se
sert pour nous détourner de la voie de Dieu : cf Matthieu
16,21 à 23. L’œuvre du Saint-Esprit dans le cœur des conseillers n’est
jamais en désaccord avec celle qu’il fait dans celui qu’il cherche à diriger
dans ses voies. A nous de discerner quelle voix s’adresse à nous dans tout ce
que nous entendons !
6,10 :
les filles de Jérusalem
Qui est celle qui apparaît,
pareille à l’aurore, aussi belle que la lune, aussi pure que le soleil, (mais) aussi
majestueuse (ou terrible) que des troupes sous leurs étendards ?
C’est la seconde fois, en peu de
temps, que la jeune fille est qualifiée par son entourage de terrible : Cantique 6,4. La même expression est utilisée dans le
livre du prophète Habakuk au sujet des Babyloniens : Habakuk 1,7. L’expression est si forte qu’elle
souligne le contraste absolu entre la beauté de la jeune fille et son
caractère. La jeune fille est attirante et désirable plus que tout, mais elle n’est
pas manipulable. Elle fait preuve d’une fermeté et d’une inflexibilité
redoutable. Nous sommes déjà bien avancés dans le scénario du livre. Salomon n’a
pas lésiné sur les moyens pour tenter de séduire la jeune fille. Mais jusqu’ici,
rien n’a marché. Sa résistance n’a pas été entamée. L’étendard sous lequel elle
marche, telle une armée rangée pour la bataille, est l’amour : Cantique 2,4. Or, malgré toutes les flatteries et les
propositions dont elle a été l’objet de sa part, elle ne l’a pas trouvé chez
Salomon, C'est l’élu de son cœur qui l'a conquise. Ancrée dans ses résolutions, elle ne
dérogera pas du parti qu’elle a pris. Ceux qui veulent l’en détourner l’apprendront
à leur frais.
S’il y a une qualité dont doit
faire preuve ici-bas l’Epouse de Christ, c’est une fermeté inébranlable au
sujet de ses convictions. Le plus grand danger que court l’Eglise, sous l’influence
des impies, est de déchoir de sa fermeté : 2
Pierre 3,17. Une Eglise incapable de faire preuve d’intransigeance sur certains
points ne saurait perdurer. La fermeté du peuple de Dieu n’est pas de la
raideur. Elle tient à la relation d’amour exclusive qu’elle entretient avec son
Dieu. Son cœur ne peut battre pour lui et pour un autre en même temps. Le monde
a besoin de trouver dans l’Eglise de Jésus-Christ à la fois la beauté de la
sainteté et la fermeté de l’amour. Que tous ceux qui la côtoient soient marqués
par ce double trait caractérisant la jeune fille.
Je suis descendu au jardin des
noyers pour voir la verdure au fond du vallon, pour voir si la vigne pousse, si
les grenadiers fleurissent. J’ignore comment, mais mon désir m’a poussé vers
les chars de mon noble peuple.
La première scène du Cantique des
cantiques s’ouvre sur l’entrée de la jeune fille dans les appartements du roi : Cantique 1,3. Elle prend en cours une histoire dont
le début nous est relaté ici. Comment la jeune fille a-t-elle rencontré Salomon ?
A quel endroit ? Dans quelle circonstance ? Elle nous le raconte
maintenant. A l’origine, la jeune fille n’avait aucune volonté de lier
connaissance avec le roi. Elle était juste sortie de chez elle pour voir où en
étaient les arbres de son verger dans leur floraison. L’année serait-elle bonne ?
La vigne et les grenadiers annonçaient-ils la promesse dans leurs bourgeons d’une
récolte abondante ? C’est alors qu’elle faisait le tour de son jardin que
sa curiosité a été éveillée. A quelques distances de là, les chars du roi
traversaient la contrée. Qui, comme elle, ne se serait approché d’un tel
spectacle ? Placée au bord du chemin, elle fut aussitôt remarquée pour sa
beauté par le jeune roi. Il y eut de son côté comme un coup de foudre pour elle.
Qui était cette jeune fille magnifique qui l’attendait là ? Entraînée
malgré elle dans les filets de l’amour, elle s’est retrouvée soudainement au
centre de toutes les attentions. Oui ! La jeune fille se souvient ! C’est
ainsi que tout a commencé. Elle serait restée chez elle ce jour-là, rien de
tout cela ne se serait produit.
Alors que nous nous trouvons dans
une situation piégeuse avancée, il est bon de nous souvenir du commencement des
choses. Avons-nous réellement choisi de nous trouver là ? Était-ce notre
intention ? Ou quelque chose de plus fort nous a-t-il entraînés dans les
ennuis que nous connaissons ? Quel que soit le chemin dans lequel Dieu
nous veut, il ne nous y contraint jamais. Là où est l’Esprit du Seigneur, dit
Paul, là est la liberté : 2 Corinthiens 3,17.
Nous ne pouvons vraiment être nous-mêmes que lorsque c’est de façon délibérée
que nous occupons la place qui est la nôtre. La maturité vers laquelle Dieu
nous mène est une maturité de responsabilité. Elle consiste pour nous à assumer
pleinement devant lui les choix que nous faisons. Aussi devons-nous refuser
tout ce qui nous emporte contre notre gré dans des situations qui ne
correspondent pas à ce qui se trouve dans notre cœur. La volonté de Dieu pour
nous est toujours porteuse de joie et de paix. A ce stade d’évolution des
choses, la jeune fille a raison de se retourner pour faire le bilan de ce qui
lui arrive. L’origine des choses est un marqueur fiable pour juger de leur
pertinence. Que Dieu, dans sa grâce, préserve notre liberté et nous donne la
capacité de la retrouver si nous l’avons perdue. C’est ici notre premier
besoin.
7,1a : les
filles de Jérusalem
Reviens, reviens, Sulamite !
Reviens, reviens afin que nous puissions te regarder !
Ayant pris conscience du piège
dans lequel elle se trouve contre son gré, la jeune fille n’a qu’une envie :
fuir. Son destin, elle le sait, n’est pas à Jérusalem dans le palais lambrissé
du roi. Elle est une fille de Sunem, un petit village de Galilée. C’est là qu’elle
veut continuer à mener sa vie dans la discrétion et la simplicité, avec celui
qu’elle aime. Les jeunes filles de Jérusalem tentent bien de la retenir. Elles
la hèlent et lui font part de leur admiration. Mais le nom sous lequel elles l’appellent
témoigne à lui seul de ses racines. Elle est une fille de la campagne, non de
la ville. Elle est une paysanne, non une reine. Elle est, certes, très belle.
Pour autant, sa beauté ne l’oblige pas à appartenir au souverain du pays. C’est
à l’élu de son cœur qu’elle veut s’offrir, et à personne d’autre.
Quelle que soit la pression qui s’exerce
sur nous, il est vital pour chacun de garder sa liberté de décision. Cette
nécessité devra peut-être, à un moment ou un autre, nous obliger à fuir. Mais la
fuite, dans ce cas, n’est pas un acte de lâcheté, mais de lucidité et de
courage. Joseph, le fils de Jacob, pour l’avoir pratiquée, a sauvé sa vie et l’avenir
de son peuple : cf Genèse 39,11-12.
Personne, si puissant soit-il, n’a le droit de contraindre une âme à entrer
dans des voies qu’elle réprouve au fond d’elle-même. Le libre choix est d’autant
plus primordial lorsqu’il s’agit de mariage, d’union de corps et de cœurs pour
la vie. Comment pourrait-on aimer si l’on n’a pas choisi la personne avec
laquelle on va partager ses jours ? Que peut-on construire de solide et de
satisfaisant si ce n’est pas sur la base d’un accord mutuel que l’on s’est
engagé l’un envers l’autre ? Oui, Sulamite ! Tu as raison ! Fuis
et recouvre ta liberté ! C’est à ce prix que ton bonheur sera assuré !
7,1b :
le jeune homme ?
Qu’avez-vous à regarder la
Sulamite comme la danse de deux camps ?
Repérée par le roi sur le bord du
chemin pour sa beauté, la Sulamite, effarouchée, s’enfuit. Loin de la
disgracier, son départ précipité ne fit qu’ajouter à l’effet que sa vision
avait provoqué. Il suffisait de regarder dans les yeux de tous ceux qui étaient
là pour constater l’ébahissement qu’avait suscité son apparition. Etait-ce bien
une femme qui se trouvait là ? Ou, comme Jacob à Mahanaïm (qui signifie
deux camps), était-ce un ange qui était venu à la rencontre du roi : cf Genèse 32,1-2 ? La démarche si gracieuse de la
Sulamite dans sa fuite n’était pas une course, mais une danse. Séduites, les
filles de Jérusalem se mettent à vanter les charmes de la belle.
7,2 à 8 :
les filles de Jérusalem
Que tes pieds sont beaux dans tes
sandales, fille de prince ! Les contours de tes hanches… œuvres des mains
d’un artiste. Ton bassin… Ton ventre… Tes deux seins… Ton cou… Tes yeux… Ton
nez… Ta tête… et les cheveux de ta tête… Un roi est prisonnier de boucles !
C’est la seconde fois dans le
livre qu’une description est faite du corps de la jeune fille. Lors du premier
tableau, le roi l’avait dépeint du haut en bas, de la tête à la poitrine :
Cantique 4,1 à 5. Ici, les filles de Jérusalem brossent
d’elle un portrait complet, allant des pieds à la tête. Le charme qu’elle opère
sur elles est total. Il n’y a rien dans son corps qui ne suscite l’admiration. Certes,
les métaphores utilisées sont nombreuses et peuvent paraître pour le lecteur
moderne quelque peu extravagantes. Nous ne devons pas leur donner une valeur
descriptive, mais suggestive. Les parties du corps évoquées par les jeune
filles rappellent dans leur beauté des images d’animaux, de paysages ou de
monuments qu’elles admirent dans le royaume. Les yeux de la belle sont comme
les eaux bleutées et profondes des étangs de Hesbon. Son nez est comme la tour
du Liban qui monte la garde face à Damas. La chevelure de la jeune fille est
comme un rets duquel le roi est captif. Jamais personne n’a vu ni connu une
femme avec un tel physique si bien proportionné. La fascination que la Sulamite
exerce sur les filles de Jérusalem est sans pareille.
V 7 à 10 : le
jeune homme
Que tu es belle, que tu es
agréable, mon amour, au milieu des délices !
A quatorze reprises, le Cantique
des cantiques célèbre la beauté de la jeune fille. La Sulamite est noire, mais
elle est belle : Cantique 1,5. Sa couleur
de peau, qui aurait pu lui nuire, ne l’a désavantagé en rien. La Sulamite est
belle, parce qu’elle est sans défaut : Cantique
4,7. Il n’y a nulle part chez elle de détails physiques qui gâchent l’ensemble.
Les filles de Jérusalem qui l’ont observé des pieds à la tête le confirment :
elle les surpasse toutes. Si la beauté est ce qui caractérise la Sulamite, elle
n’a pas que cette qualité. Elle est aussi une jeune fille agréable. Sa
compagnie est plaisante. Son caractère n’est ni revêche, ni timoré. Certains, s’arrêtant
à la beauté, pensent qu’elle suffit à faire leur bonheur. Ils déchantent vite
en découvrant que leur bien-aimée est une personne invivable. Une femme qui a
une taille de guêpe peut être une guêpe de taille. Il est bon que, dans tout ce
qui nous attire vers une personne, l’esthétique ne soit pas le critère unique
et déterminant. Avec le temps, la beauté se flétrit, mais le caractère reste et
s’affirme. Nous devons désirer vivre avec une personne pour ce qu’elle est dans
son être, non seulement à cause de ses charmes physiques. Heureux celui qui,
comme le roi ici, trouve une femme belle et plaisante. Encore faut-il cependant
que l’attrait et l’estime soient mutuels !
Ta taille ressemble au palmier,
et tes seins à des grappes. Je me dis : « Je veux monter sur le
palmier pour attraper ses grappes ! » Que tes seins soient comme les
grappes de la vigne, le parfume de ton souffle comme celui des pommes, et ton
palais comme un vin excellent !
Il n’est pas étrange que, séduit
par la beauté de la Sulamite, le roi exprime le désir d’une relation intime
avec elle. Créés êtres sexués, les hommes et les femmes sont faits pour s’unir.
Ce désir est inscrit au plus profond de leur être. Le sentiment d’amour mutuel qui
habite deux cœurs ne peut indéfiniment rester au stade du désir. Il a besoin de
se concrétiser par l’union des corps. Les charmes dont Dieu a doté la femme excitent l’appétence de l’homme. Ils sont le moyen par lequel elle
l’attire à lui et attache son cœur à sa personne. L’Ecriture le sachant, elle
encourage les amants à ne pas se priver l’un de l’autre : 1 Corinthiens 7,5, mais à trouver leur plaisir dans
les atours de leurs corps : Proverbes 5,19.
Il est nécessaire qu’une jeune fille et un jeune homme apprenne à se connaître.
C’est dans ce but qu’existent les fiançailles. Mais il n’est pas sage de faire
durer trop longtemps ce temps où les sens de l’un et de l’autre sont émoussés
par le désir. L’amour ne trouve son accomplissement que lorsque la jeune fille
se donne à son aimé, et vice-versa. Le jeune roi ose ici exprimer ce désir. Le
nier serait un mensonge. La liberté de l’amour permet de s’ouvrir sans crainte
à l’autre. Une jeune fille qui se sait aimée ne trouvera rien de déplacé au
fait d’entendre qu’elle est désirée. La Sulamite comprend le roi, mais son
désir à elle la porte vers quelqu’un d’autre.
7,10 à 8,3 : la
jeune fille
Il coule aisément pour mon
bien-aimé et glisse sur les lèvres de ceux qui s’endorment !
La déclaration enflammée du jeune
roi au sujet de la Sulamite est sans ambiguïté. Il n’a qu’une attente : connaître
avec elle les délices de l’amour. Il s’imagine uni à elle, jouissant de ses
charmes. Face à cette volonté clairement formulée, la jeune fille se doit de
répondre. Où elle conforte le roi dans son désir brûlant, ou elle le refroidit
pour toujours. C’est cette seconde option qu’elle choisit. Le roi avait comparé
le plaisir qu’il attendait de la jeune fille à un vin du meilleur cru.
Celui-ci, lui répond-t-elle, ne coulera pas pour lui, mais pour son bien-aimé. La
jeune fille ne cède pas aux avances empressées du roi. Elle garde la ligne de
défense qu’elle a adopté dès le début. Elle utilise les beaux mots que celui-ci
lui adresse pour les orienter vers l’élu de son cœur. Il faut qu’il sache que,
quoi qu’il dise ou veuille, rien ne la détournera de l’amour qu’elle porte à
son bien-aimé. En réitérant ses propositions, le roi ne fera qu’augmenter sa
déception.
La Sulamite est pour nous un
modèle de conduite et de fermeté face à la tentation. Par sa façon d’agir, elle
désarme le soupirant qu’elle ne veut pas et fortifie l’amour qui l’habite pour
l’élu de son cœur. Elle nous rappelle que la tentation ne peut être vaincue que
par le refus. Elle nécessite que le courant d’affection qui nous anime se porte
vers un autre objet. Ce n’est pas seulement en disant non au diable que nous triompherons
de lui, mais en proclamant avec force un oui ferme et entier pour Jésus. Il n’y
a que l’amour qui ait la puissance intrinsèque de dévitaliser l’attrait de la
séduction. La clé de la victoire ne se trouve pas à l’extérieur, mais en nous.
Que nos cœurs ne battent que pour toi, ô Dieu, et nous resterons sourds aux
appels du tentateur.
Je suis à mon bien-aimé et son
désir se porte vers moi
Pour la 3ème fois dans
le livre, la Sulamite proclame son appartenance à son bien-aimé : Cantique 2,16 ; 6,3. Elle confirme pour le dire
la formulation de sa 2ème déclaration. Ses mots témoignent de l’état
d’esprit qui l’habite. Elle ne se réjouit plus seulement du fait que son
bien-aimé est à elle, mais sa joie la plus grande est de s’offrir à lui. Si le
roi est enflammé de désirs pour elle, il n’est pas le seul. Son bien-aimé aussi
la veut, et c’est à lui qu’elle veut se donner. Le fruit mûr de l’amour est
prêt à être consommé. La décision de la Sulamite est soutenue par un oui entier
et sans faille pour l’élu de son cœur, celui prononcé le jour du mariage.
Viens, mon bien-aimé, sortons
dans la campagne pour passer la nuit au village !
Lors de la 2ème
rencontre, le bien-aimé était venu depuis ses montagnes jusqu’à la chambre de
la jeune fille pour l’inviter à sortir dans la campagne printanière avec lui :
Cantique 2,8 à 14. La jeune fille s’était alors
montrée nonchalante. Le jeune homme était reparti sans qu’elle ne l’accompagne.
Les temps ont maintenant changé. Pressée par les avances brûlantes du roi, la Sulamite
prend elle-même l’initiative d’inviter son bien-aimé à une sortie nocturne dans
son village natal. Elle a compris que, pour être libre, elle ne peut rester
dans une position de neutralité. Elle doit afficher aux yeux de tous qui est
celui qu’elle aime et à qui elle veut se donner. Jusqu’à présent, elle a été sollicitée
de deux côtés. Son cœur penchait vers le berger de ses amours. Elle se devait
maintenant de ne plus garder cette inclinaison secrète. C’était là pour elle le
seul moyen de faire passer un message clair à son courtisan obsédé. Non, elle
ne veut pas de lui. Elle le démontre par le fait qu’elle-même va vers le fiancé
de son cœur pour s’unir à lui.
Notre cœur n’est fait que pour
une seule passion. Aussi doit-il être guéri de sa tiédeur qui le retient de s’engager
pleinement et ouvertement. Pour se faire, Dieu utilise la pression qu’exerce le
malin sur lui. Car lui aussi le veut pour lui. La liberté du croyant ne se
trouve pas à mi-chemin d’une adhésion totale à la communion avec Christ. Elle
est, telle celle de l’esclave à l’oreille percée : Deutéronome 15,12 à 17, dans le don sans réserve de sa vie pour lui
et sa maison. Alors qu’Israël est partagé entre l’Eternel et Baal, le prophète
Elie lui pose la question : « Jusqu’à quand clocherez-vous des
deux côtés ? Si l’Eternel est Dieu, allez après lui ; si c’est Baal,
allez après lui. Le peuple ne lui répondit rien : 1
Rois 18,21. » Il nous est impossible, sur le plan spirituel, de
tergiverser indéfiniment entre deux allégeances. La balance de notre cœur doit
pencher de manière résolue pour un côté. Que Dieu nous d’aimer Christ
par-dessus tout sans mesure !
Dès le matin, nous irons aux
vignes pour voir si la vigne pousse, si la fleur s’ouvre, si les grenadiers
fleurissent. Là je te donnerai mon amour.
Déterminée à se donner à l’élu de
son cœur, la Sulamite a tout planifié. Cette nuit sera la nuit de leur union. Ils
la commenceront ensemble par une promenade nocturne romantique. Tous les deux,
elle le sait, ont les mêmes centres d’intérêt. Ils sont des personnes de la
campagne. Leur palais n’est pas fait d’ivoire et de lambris. Leur plaisir est
de flâner dans la nature, de l’observer, de regarder la vie apparaître dans les
rameaux de la vigne. Le printemps de la nature sera aussi celui de leur amour. La
bien-aimée est désormais prête à franchir le pas qui la conduit à appartenir de
manière irréversible à son chéri. Le roi voulait « monter sur le
palmier de sa taille pour attraper les grappes de ses seins » : Cantique 7,9. Ce n’est pas à lui que son corps sera. L’amour
ne consiste pas uniquement en un acte physique. Il est la fusion de deux êtres
qui s’aiment et veulent se donner l’un à l’autre. L’union de corps n’est pas
première. Elle est l’aboutissement de celle des cœurs qui, tels des aimants, s’attirent
pour n’être qu’un. Or, c’est vers le berger de son cœur que se porte tout son
attrait. Que Dieu nous donne de ne jamais oublier cet ordre primordial dans nos
relations conjugales.
Les mandragores diffusent leur
parfum, à nos portes se trouvent tous les meilleurs fruits, nouveaux et anciens.
Mon bien-aimé, je les ai gardés pour toi.
La saison de l’amour est aussi
celle de la vie. Elle est la porte d’entrée à un avenir commun porteur de
fruits nouveaux. Le mariage d’un homme et d’une femme n’est pas seulement l’addition
de deux potentialités. C’est une multiplication. Avant d’être uni, chacun des
futurs époux a eu son propre parcours. Il s’est construit au travers de ses
propres expériences. Il a acquis des connaissances, un savoir-faire dans
certains domaines. Il s’est préparé au jour où il offrira à l’autre la somme de
sa propre richesse pour la combiner à la sienne. Le mariage n’est pas la suite
à deux de la vie passée. Il est pour chacun le début d’une vie nouvelle qui est
un mélange des couleurs. Ce que j’étais ne reste plus le même, mais prend la
teinte de l’autre. Qui me croise marié reconnaît le célibataire que j’étais,
mais remarque aussi l’influence qu’a sur mon être celle que j’ai épousé. Les
fruits anciens de ma vie sont encore là, mais les nouveaux issus de l’union,
qui n’auraient pas existé sans elle, sont aussi visibles. La vie commune dégage
un parfum inédit, résultat de la fusion des essences de chacun. La mixtion est
si personnalisée qu’elle est unique. Aucun couple ne ressemble à un autre.
Aucun ne dégage la même odeur qu’un autre. Que la nôtre soit à la gloire de
Dieu !
Vierge jusqu’au jour de son mariage,
la Sulamite ne regrette pas de s’être réservée pour son bien-aimé. Toute sa
jeunesse, elle l’a vécue dans l’optique de ne s’offrir qu’à celui qui sera l’élu
de son cœur. Elle a tenu à se préserver pour lui. La Sulamite est un modèle à
suivre pour toutes les jeunes filles. Célibataire, elle a compris que la
richesse de son mariage futur tenait à sa volonté de ne se donner qu’à son
futur époux. Toute sa beauté, ses talents, tout ce qu’elle a acquis ne devait
être que pour lui. C’est le cadeau de son être entier, et non éparpillé, qu’elle
lui offrait ce jour.
Si seulement tu étais comme mon
frère, si seulement tu avais été allaité par ma mère ! Je te rencontrerais
dehors, je t’embrasserais et l’on ne me mépriserait même pas.
Amoureuse de son bien-aimé, prête
à se donner à lui, la Sulamite fait part ici d’une frustration. La Sulamite ne
vit pas dans l’Eden, seule avec l’élu de son cœur. Elle fait partie d’une
société qui a des règles culturelles qu’elle se doit de respecter. Emportée par
l’amour, elle aspire à une totale liberté de gestes et d’expressions de
tendresse dans sa relation avec celui qu’elle aime. Mais sa vie publique prime
sur ses désirs personnels. Si son bien-aimé pouvait être considéré comme son
frère, elle pourrait se promener avec lui et l’embrasser au vu de tous. Mais la
bienséance ne le lui permet pas. La réserve s’impose, même si tous les élans de
son cœur la pousse à s’en affranchir.
Les désirs contraints de la
Sulamite nous rappellent que nous ne sommes pas libres, en tout lieu, de nous
comporter comme nos affections le souhaitent. Nous vivons tous, pour le bien de
la vie commune, dans des cadres contraignants. Ce que chacun peut se permettre
seul ne lui est pas toujours autorisé en société. Une collectivité qui met l’individu
au centre de tout, tend à privilégier les droits de chacun aux dépens des devoirs
envers la communauté. Cet ordre n’est pas celui que l’Ecriture privilégie. Le
groupe passe avant l’unité. « Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs
publics, bancs publics, bancs publics, s’foutant pas mal du regard oblique des
passants honnêtes…, chantait Brassens. »
Sa rime veut glorifier la liberté que donne l’amour. En réalité, elle ne fait
que célébrer l’égoïsme des amoureux qui méprisent le sens de la pudeur qu’impose
la vie en société. Le mariage est le moment où tous célèbrent la joie du couple
qui se forme. Que, dans cette attente, celui-ci accepte les limites que la vie
commune lui impose dans l’expression de sa tendresse. Car, à côté des amoureux,
il y a des cœurs esseulés et des âmes en peine.
Je te conduirais, je t’amènerais
chez ma mère, tu m’instruirais et je te ferais boire du vin parfumé, du jus de
mes grenades.
Pour la seconde fois, la Sulamite
exprime le souhait qui est le sien de conduire son bien-aimé dans la maison de
sa mère : Cantique 3,4. La 1ère
fois qu’elle y a pensé, elle ne se trouvait pas avec lui. Allongée sur son lit,
elle s’était imaginé le scénario de leur rencontre. Ici, le rêve est sur le
point de devenir réalité. Pour autant, la Sulamite n’a pas changé d’idée. La 1ère
personne vers laquelle elle veut conduire son chéri est sa mère. Le mariage est
à la porte. Il est le moment où les époux, à l’aube d’une vie à deux, vont
quitter leur foyer respectif pour en créer un nouveau. Ils vont ainsi quitter
père et mère pour habiter ensemble : Genèse 2,24.
Mais la Sulamite n’entend pas que cette transition se fasse avec brutalité.
Elle tient à construire un lien solide entre elle, son bien-aimé et sa mère. La
mère est la matrice qui l’a fait naître, l’a entouré de ses soins, de son
affection et l’a préparé à l’étape qui es devant elle. C’est avec elle qu’elle
veut fêter le jour de son union avec l’élu de son cœur. Car il est, d’une
certaine façon, le couronnement de tous les soins diligents dont elle a fait
preuve envers sa fille. La suite de sa vie ne sera plus la même. L’épouse
appartient d’abord à son époux. Mais le lien maternel ne se rompt jamais. Le bonheur
conjugal des filles est et restera toujours une source de grande satisfaction
pour les mères.
Il est regrettable que, jamais
une seule fois, dans le Cantique des cantiques, il n’est fait mention du père.
La Sulamite avait-elle un père déficient, absent du foyer ? Nous ne le
savons pas. Si le but du livre est de souligner avec force l’importance de la
mère pour les filles du foyer, l’auteur l’a atteint. L’absence du père doit interroger
tous ceux qui le sont. Que suis-je pour mes enfants, fils et filles ? Un
lien affectif profond me relie-t-il à eux ? Ont-ils le désir de partager
avec moi les moments forts et heureux de leurs vies ? Sinon pourquoi ?
Que sa main gauche soutienne ma
tête et que de sa droite il m’enlace !
Le souhait qu’exprime ici la
Sulamite en conclusion résume à lui seul la simplicité de l’aspiration
amoureuse. Que désire une jeune fille qui aime profondément un jeune homme ?
Rien, si ce n’est que de se blottir dans ses bras, de s’abandonner à lui en
toute confiance. Le bonheur que recherche l’amour n’est pas compliqué. Il ne
demande ni de monter au ciel pour le chercher, ni de parcourir les mers pour le
trouver. Il se tient là tout près, dans la proximité des cœurs et des corps de
ceux qui s’aiment. En cela, il ressemble à celui de l’enfant nouveau-né qui
trouve sa félicité dans la tiédeur des bras maternels. Salomon a tenté de bien
des manières d’appâter la Sulamite. Elle lui répond ici qu’aucune de ses offres
ne répond à son attente. Sa satisfaction, son délice est d’être enveloppé de l’amour
de l’élu de son cœur. Il ne lui faut rien de plus, et rien de moins. C’est ici
le sommet du cantique des cantiques.
8,4 :
le jeune homme
Je vous en supplie, filles de
Jérusalem, ne réveillez pas, ne réveillez pas l’amour avant qu’elle ne le
veuille !
Pour la 3ème et
dernière fois, le jeune homme supplie les filles de Jérusalem de ne pas forcer
l’amour de la Sulamite pour lui. Si cet amour ne se trouve pas dans son cœur,
il manque l’ingrédient essentiel à leur union. Le fait que la 5ème
rencontre aboutisse à la même conclusion que la 1ère et la seconde
démontre que, malgré tous les efforts fournis, rien n’a changé depuis
l’origine. Rien de neuf n’est né, quant à l’amour, dans le cœur de la Sulamite
pour Salomon. L’amour, comme la vie spirituelle, n’est pas quelque chose que
l’homme peut produire. Il est le miracle de la grâce souveraine et mystérieuse
de Dieu seul. La leçon que nous donne le Cantique dans sa conclusion est pour
nous un avertissement. Dans notre désir d’éveiller chez des pécheurs un amour
pour Christ, nous pouvons être tentés d’user de moyens de pression divers. Pour
un temps, il peut nous sembler avoir atteint le but. Au bout du compte, la
désillusion sera au rendez-vous. Il n’y aura pas plus d’amour au bout de la 5ème
rencontre que lors de la 1ère. Si Dieu n’allume lui-même le feu dans
un cœur, aucune flamme ne brûlera pour lui.