jeudi 1 juillet 2021

4ème RENCONTRE

 

J’étais endormie, mais mon cœur veillait.

Le 4ème acte de la pièce qui se joue dans le cantique des cantiques s’ouvre sur une scène identique au second. Après avoir été le centre de l’attention d’une foule en liesse pour le mariage de Salomon, la jeune fille se retrouve seule avec elle-même dans sa chambre. C’est à la fois pour elle un moment de repos et de veille. Elle est endormie, mais elle n’est pas plongée dans un profond sommeil. Son cœur veille. Il passe et repasse tout ce qui a été vécu dans la journée et s’interroge. Que va-t-il se passer maintenant pour elle ? Son sort programmé est-il inéluctable ? Si l’élu de son cœur est l’objet de ses pensées, elle sait qu’il en est de même pour lui. Ne l’a-t-il pas prouvé, dans le passé, en franchissant montagnes et collines pour venir la rejoindre ? Quoique la volonté de Salomon semble la plus forte, elle n’est pas souveraine. Il n’a aucun pouvoir sur le bien-aimé, comme il ne peut forcer la jeune fille à l’épouser. Plutôt que la résignation, c’est l’attente qui habite son cœur. Non ! Les dès ne sont pas jetés, la partie n’est pas finie. Tant que le mariage n’est pas conclu, tout est encore possible.

La position de la jeune fille est celle de nombreux croyants qui sont dans le monde. Prisonniers de certaines situations qui paraissent insolubles, ils ne sont pas pour autant sans espoir. La foi en Dieu leur donne de vivre les impasses apparentes dans lesquelles il se trouve dans l’attente de sa venue, de son intervention en leur faveur. Daniel et ses trois amis, déportés à Babylone, en ont fait l’expérience. Dieu n’était pas loin d’eux dans ce pays étranger, mais avec eux. Il les a secourus de mille et une manières. Ce qui aurait pu se finir de manière tragique pour eux s’est mué en un scénario salutaire et glorieux. Leur témoignage nous enseigne que, quelles que soient les circonstances, le sort de l’enfant de Dieu n’est jamais scellé. Dieu est là pour le fortifier dans sa foi, dans l’attente du jour de la délivrance. Que cette certitude renouvelle l’espoir de tous ceux dont le cœur est près de défaillir !

C’est la voix de mon bien-aimé !

Isolée dans sa chambre, la jeune fille n’en est pas pour autant inatteignable. Alors qu’elle somnole sur son lit, la voix de son bien-aimé se fait entendre. Il se tient là tout près d’elle et frappe à la porte. Il la sollicite de nouveau pour un rendez-vous intime. Cet accès du bien-aimé dans ces circonstances est porteur d’un grand espoir. Il témoigne du fait qu’il n’y a pour lui aucun mur qui soit un obstacle suffisant pour qu’une communication ne soit établie avec l’élue de son cœur. Où se trouve celle-ci ? Nous ne le savons pas ! La proximité des filles de Jérusalem laisse à penser qu’elle loge dans le palais de Salomon. La prison dorée qu’il lui a préparée n’est pas une forteresse inviolable. Par des moyens qui ne sont connus que de lui seul, le bien-aimé a pu y avoir accès pour le réconfort et la plus grande joie de sa belle.

De nombreux croyants, soumis à l’enfermement, ont connu dans leur relation avec Dieu une expérience similaire à la jeune fille. Barricadés dans une cellule, ils ont vécu le fait que les échos de la voix de Dieu leur parvenait au cœur même de leur solitude. La parole de Dieu n’est jamais muselée. Elle ne peut jamais, malgré les barreaux et les verrous, être tenue à distance du peuple de Dieu. Par elle, c’est la présence réconfortante et rassurante de Dieu lui-même qui se fait proche de lui. Aujourd’hui encore, partout dans le monde, la voix de Dieu transforme les geôles du désespoir en lieux secrets d’intimité avec lui. L’extrait suivant du livre de Richard Wurmbrand, « Mes prisons avec Dieu », en témoigne avec force :

« J’appris peu à peu que sur l’arbre du silence pousse le fruit de la paix. Je commençais à prendre conscience de ma vraie personnalité, et à être sûr qu’elle appartenait au Christ. Je découvris que même dans cette cellule, mes pensées et mes sentiments se tournaient vers Dieu et que je pouvais passer nuit après nuit en prières, exercices spirituels et louanges. Je savais à présent que je ne jouais pas la comédie mais que je croyais à ce que je croyais… Retrouvant la liberté après 14 années d’emprisonnement, Richard Wurmbrand dit qu’il eut l’impression en quittant ce monde carcéral où il fit de puissantes expériences spirituelles au milieu de ses souffrances, que c’était comme redescendre de la montagne de Dieu.[1] »

Il frappe : « Ouvre-moi, ma sœur, mon amie, ma colombe, ma parfaite, car ma tête est couverte de rosée, mes boucles sont pleines des gouttelettes de la nuit. »

Alors que la jeune fille est douillettement installée sur son lit, son bien-aimé frappe à sa porte et la presse de lui ouvrir. Son insistance tient à deux choses. La première est le désir intense qu’il a d’être avec elle. Son amour pour elle est la raison de sa venue. Pour la rejoindre, il a une nouvelle fois délaissé son troupeau et franchi collines et montagnes. Il désire aussi que sa belle lui ouvre la porte pour une autre raison plus prosaïque. Pour venir vers elle, le bien-aimé a dû endurer les rigueurs d’une nuit froide passée à la belle étoile. Sa tête est encore couverte de la rosée nocturne et ses cheveux des gouttelettes d’eau qui l’ont trempé. L’amoureux est transi et a besoin de se réchauffer.

Alors que nous jouissons de l’amour quotidien de Christ, notre Bien-aimé, gardons-nous d’oublier le prix que celui-ci a payé pour nous rejoindre. Notre communion avec lui n’a rien de naturel. Elle est le fruit des nombreux sacrifices endurés par notre Sauveur. Existant en forme de Dieu, il s’est dépouillé de sa condition divine pour adopter celle de l’homme. Devenu homme, il s’est fait le serviteur de tous. Il s’est ensuite humilié jusqu’à s’identifier au plus infâme et mourir sur la croix à notre place : cf Philippiens 2,5 à 11. Il a subi pour nous les rigueurs d’une nuit de ténèbres et de solitude incomparables. Quelle réponse apportons-nous à son désir de communion avec nous ?

J’ai enlevé mon habit. Comment pourrais-je le remettre ? J’ai lavé mes pieds. Comment pourrais-je les salir ?

Pour la seconde fois, malgré l’amour qu’elle dit porter à son bien-aimé, la jeune fille fait preuve d’une mollesse incompréhensible à l’égard de son appel. Au lieu de se précipiter à la porte pour lui ouvrir, elle se met à chicaner au sujet de détails qui n’ont pas leur place dans la romance de leur amour. « Elle s’est déjà préparée pour dormir, dit-elle. Devra-t-elle se rhabiller ? Elle a lavé ses pieds pour se coucher. Lui faut-il de nouveau les salir ? » Nous ne pouvons qu’imaginer la déception et la tristesse du bien-aimé à l’écoute de telles hésitations ! Ne mesure-t-elle pas à quel point elles sont incongrues et déplacées ? Que dirait-elle de lui si, comme justification de son absence, il aurait tenu de tels propos ? Pour la rencontrer, il n’a pas regardé le prix à payer. Il a été prêt à passer des nuits dehors. Ses pieds ont parcouru de grandes distances. Ils ont foulé des terrains difficiles et portent encore la marque de la fatigue qu’ils ont enduré. Leurs blessures, la poussière qui les recouvrent sont le témoignage de son amour pour elle. Aucune délicatesse ne devrait entrer en ligne de compte comme réponse à un tel engagement.

La réponse sidérante de la jeune fille à l’invitation de son bien-aimé interpelle sur plusieurs points. Elle met en évidence trois réalités inhérentes à l’humain. La première est l’ambivalence de son cœur. Capable d’une fermeté admirable à l’égard de Salomon, son courtisan, la bien-aimée fait preuve l’instant d’après d’une tiédeur choquante envers l’élu qu’elle chérit. La réaction de la bien-aimée brise le romantisme de l’amour et met en lumière le caractère inconstant du cœur humain. « Je suis tout à toi », peut-il s’écrier dans un élan d’amour… pour dire quelques minutes plus tard : « Mais je ne vais pas me salir les pieds pour te voir ! » Si poétique soit le cantique des cantiques, il n’oblitère pas la vérité sur le caractère tortueux de la nature humaine. Celle-ci est et sera toujours décevante, en-dessous de ce qu’on espérait d’elle. La réaction imprévisible de la jeune fille souligne ensuite le caractère mesquin de nos excuses égoïstes face à l’amour altruiste dont nous sommes l’objet de la part de Dieu. Jésus le souligne à plusieurs reprises dans les Evangiles. Nul prétexte affectif n’a de valeur qui justifie le refus de le suivre : Luc 9,57 à 62. Répondre à Jésus que nos petites affaires sont plus importantes que l’amitié qu’il nous propose, c’est faire preuve d’un mépris ouvert envers sa personne. Le refus de la jeune fille de quitter sur le champ le confort douillet de sa chambre pour ouvrir la porte à son bien-aimé témoigne de son ingratitude envers lui. Ce manque de reconnaissance est, selon Paul, le péché qui est à la racine de tous les égarements et de toutes les idolâtries : Romains 1,21. Les élus de Dieu ne sont pas meilleurs que les autres hommes. Ils ont juste le privilège d’être l’objet de l’amour d’un Dieu fidèle qui ne se rétractera pas dans ses engagements envers eux.

Mon bien-aimé a passé la main par la fenêtre (ou par une ouverture) et j’ai été bouleversée à cause de lui.

Après avoir fourni tant d’efforts pour rejoindre sa bien-aimée, le bien-aimé ne peut se satisfaire de ses scrupules. Son désir d’être avec elle est plus fort que ses réticences. Il le lui fait savoir en passant sa main dans l’ouverture de la porte pour lui signifier sa volonté qu’elle en ôte les verrous. « Les habitations privées étaient équipées d’un dispositif plus sommaire pour leurs portes d’entrée que celles des villes. En général, des broches coulissantes s’encastraient dans les trous correspondants dans la barre, d’où la nécessité d’une clé pour les libérer. De taille variable, celle-ci était souvent assez grande pour être portée sur l’épaule. Afin d’ouvrir la porte depuis l’extérieur, on insérait la clé dans le trou de la porte, qui était suffisamment grand pour qu’une main puisse y passer.[1] » Jusque-là, la bien-aimée n’avait entendu que la voix du bien-aimé. Mais maintenant qu’elle voit sa main, qui s’aventure à l’intérieur de sa chambre pour débloquer la situation, son cœur en est bouleversé. Par son geste, le bien-aimé le lui fait savoir. Pour être avec elle, il est prêt à surmonter tous les obstacles : ceux qui se présentent à lui à l’extérieur, et ceux qui sont à l’intérieur d’elle. L’amour qu’il a pour elle est plus fort que tous les verrous. Il ne forcera pas son cœur, mais il ira, pour le gagner, aussi loin que la liberté le lui permet.

La persévérance du bien-aimé n’a d’égal que celle du Seigneur à notre sujet. Car il le sait ! Pour gagner notre cœur, il ne lui suffit pas de réduire la distance physique qui nous sépare de lui en devenant homme. Il doit aussi agir à l’intérieur de nous-mêmes. La forteresse de notre cœur ne lui est pas inaccessible. Dans sa prescience, Dieu, en le créant, y a prévu un accès par lequel sa main peut s’infiltrer pour en faire sauter les verrous. C’est par l’action coordonnée de notre volonté et du Saint-Esprit que la communion avec Christ s’établit en nous par l’ouverture à son amour. Tout changement profitable dans nos vies ne peut se passer de notre accord. Mais il faut toute la patience et la persévérance de Dieu pour le gagner à ses desseins. La main de Dieu seul a le pouvoir de libérer les serrures des portes derrière lesquelles notre être est enfermé. Marquée par les clous de la croix, elle remue et bouleverse notre cœur confondu par tant de passion. Que, pressé par ton amour, ô Dieu, nos cœurs se donnent à toi sans réserve !

J’ai commencé à ouvrir à mon bien-aimé, et de mes mains a perlé la myrrhe, de mes doigt la myrrhe a coulé sur la poignée du verrou.

Sollicitée par la main de son bien-aimé, pénétrant dans la chambre où elle se trouve par l’ouverture spéciale faite dans la porte, la jeune fille ne tergiverse plus. Elle s’approche de l’entrée pour joindre à son geste le sien et défaire un à un les verrous qui la barricadent. Se faisant, ses mains s’imprègnent de myrrhe, le parfum typique de son bien-aimé. Il n’est pas encore là mais, déjà, l’odeur de sa présence se fait sentir. Perceptible par les sens, elle est une invitation qui presse la jeune fille de se hâter de finir ce qu’elle a entrepris.

Le bien-aimé, pour rejoindre l’élue de son cœur, s’est d’abord déplacé jusqu’au lieu où elle se trouve. Puis, il s’est adressé à elle par la voix. Il a glissé sa main à l’intérieur de sa chambre, ce qui a eu pour effet de répandre son parfum sur elle. La description détaillée de tous ces éléments, jouant dans la décision de la bien-aimée de lui ouvrir toute grande les portes de son intimité, nous rappelle que l’œuvre de Dieu pour gagner nos cœurs se compose de multiples éléments. Dieu sait de quoi nous sommes faits. Il sait à quoi nous sommes sensibles et ce qui a le pouvoir de nous éveiller à son amour. La Parole est toujours première dans le processus qui nous conduit à la foi : Romains 10,17. Mais elle n’est pas une parole froide, désincarnée, un message uniquement cérébral. Elle est une parole vivante, accompagnée du parfum de son odeur : 2 Corinthiens 2,15. C’est une parole qui remue notre être jusque dans son tréfonds, et le rend agréable à nos sens spirituels. La raison, certes, est décisive, mais l’émotion n’est pas absente pour autant. La prédication de l’Evangile doit être construite. Elle doit présenter avec clarté les éléments à partir desquels la foi va s’enraciner. Mais la prédication doit aussi toucher le cœur. Elle doit faire sentir à celui qui l’entend combien Dieu est bon, désirable pour son âme : Psaume 34,9. C’est là ce qui poussa la bien-aimée, avec le son de sa voix, à ouvrir la porte à son bien-aimé.

J’ai ouvert à mon bien-aimé, mais mon bien-aimé s’était retiré, il avait disparu.

Comme dans son premier rêve, la bien-aimée a la surprise de ne trouver personne derrière la porte lorsqu’elle eut fini de tout déverrouiller pour l’ouvrir. Le peu d’empressement qu’elle a mis au départ en est la cause. Il faut que la bien-aimée en souffre, car c’est la seule manière pour elle de comprendre la souffrance que sa lenteur a causé à son bien-aimé. Le bien-aimé agit envers elle comme elle s’est conduite envers lui. Il la déçoit pour qu’elle saisisse à quel point ses hésitations, sa tiédeur le blessent. La façon d’agir du bien-aimé ne ressort pas de la vengeance. Elle est didactique. Ella pour but de communiquer à l’élue de son cœur un message. Ce message est que l’amour est une passion qui ne souffre aucune altération. Aimer, c’est se donner sans réserve à l’autre. C’est faire passer le bonheur et le plaisir que l’on offre à l’autre avant toute considération personnelle. Aimer, c’est remplacer le « moi d’abord » par le « toi en premier » : cf Luc 9,59 à 62. C’est pour que cette priorité, qui est à la source de l’incarnation du Fils de Dieu, devienne la nôtre que Dieu nous fait certaines fois passer par la discipline de la déception. Nous goûtons le fruit amer de son absence pour que nous apprenions une fois pour toutes dans nos vies qu’un jour dans sa présence vaut mieux que mille ailleurs : Psaume 84,11. Que nos cœurs soient tout entiers pour toi, ô Dieu !

Je perdais tous mes moyens pendant qu’il parlait ! Je l’ai cherché, mais je ne l’ai pas trouvé. Je l’ai appelé, mais il n’a pas répondu.

Le sens de la 1ère phrase, qui exprime le désarroi de la jeune fille face à l’absence de son bien-aimé, n’est pas certain. Exprime-t-elle le bouleversement intérieur qu’elle a vécu à l’écoute de sa voix ? Ou l’émotion qu’elle ressent pour n’avoir pas répondu à sa demande aussi vite qu’espéré ? Quelle que soit la réponse, le trouble qui s’est emparé d’elle l’oblige à faire ce à quoi elle était réticente. Elle qui s’était déshabillée pour la nuit se rhabille. Elle qui s’était lavée les pieds est prête à les salir de nouveau pour se mettre à la recherche de l’élu de son cœur. L’absence de son bien-aimé la pousse à entreprendre une démarche qu’elle hésitait à faire lorsqu’il était présent. Elle méprise le confort qui la retenait par des liens agréables pour se lancer dans une expédition peu sûre pour le trouver. La réaction de la bien-aimée souligne le danger qui nous guette lorsque nous nous habituons à la proximité de notre Seigneur. Parce qu’il est là, nous ne réalisons plus à quel point sa présence nous est précieuse. Nous nous acclimatons si bien à l’ineffable que celui-ci perd à nos yeux son caractère gracieux. Dieu use alors du seul moyen efficace qu’il possède pour nous amener à considérer de nouveau la valeur inestimable de son amour. Il s’efface pour un temps à notre cœur qui, immédiatement, plonge dans le désarroi[1]. Y-a-t-il en effet plus grande angoisse, pour l’enfant de Dieu, de chercher son Dieu et de ne pas le trouver, de l’appeler et de ne recevoir aucune réponse ? « Pourquoi, Eternel, te tiens-tu éloigné ? Pourquoi te caches-tu dans les moments de détresse ? : Psaume 10,1. » N’est-ce pas pour nous guérir de nos négligences ?

Ce sont les gardes qui font la ronde dans la ville qui m’ont trouvée. Ils m’ont frappée, ils m’ont blessée, ils m’ont enlevé mon châle, les gardes des murailles.

Sortie de son appartement, la jeune fille fait, comme la 1ère fois, la rencontre des gardes de la ville chargés de veiller à sa sécurité. Si ceux-ci s’étaient alors contentés de répondre à ses questions : 3,3, ce n’est plus le cas ici. Que la jeune fille se montre imprudente et étourdie une fois, cela peut passer. Mais qu’elle répète cette conduite qui la met en danger, les gardes ont estimé que cela valait une correction. La ronde des gardes de la ville vise un objectif. Ils sont les sentinelles qui la protègent des ennemis extérieurs. Se déplaçant sur la muraille, ils sont les yeux et les oreilles de la cité endormie. Il peut leur arriver de temps en temps de faire une rencontre incongrue. Un citoyen qui devrait être dans sa maison se promène hors de sens seul la nuit. La plupart du temps, un avertissement de leur part suffit à le ramener à la raison. La récidive d’un tel comportement mérite une sanction plus forte. Puisque la parole n’a pas suffi, le récalcitrant apprendra par la souffrance à réformer sa conduite. De son point de vue, la jeune fille ne faisait pas de mal. Elle était juste à la recherche de son amoureux. Du point de vue des gardes, sa présence en ce lieu à une heure si tardive la fait passer pour une courtisane. Ils la traiteront donc comme telle, en lui arrachant le grand châle qui cachait son physique aux yeux des hommes. Il se peut que, face à cette agression, la jeune fille ait protesté au sujet de ce malentendu. Cependant, elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle, et à la tiédeur initiale dont elle a fait preuve à l’égard des appels amoureux de son bien-aimé.

« Mon fils, dit l’Ecriture, ne méprise pas la correction du Seigneur et ne perds pas courage lorsqu’il te reprend. En effet, le Seigneur corrige celui qu’il aime et il punit tous ceux qu’il reconnaît pour ses fils… Nos pères nous corrigeaient pour un peu de temps, comme ils le trouvaient bon, tandis que Dieu le fait pour notre bien, afin que nous participions à sa sainteté : Hébreux 12,5 et 10. » Livre de l’amour, le cantique des cantiques n’élude pas la question de la correction. Il suit à ce propos l’ensemble de l’Ecriture sur le sujet. Oui ! La punition éducative fait partie des voies divines exprimant son amour. Celle-ci peut prendre différentes formes. Elle se fait dans l’Eglise au travers de la discipline fraternelle, et au-dehors par les réactions des incroyants face à nos inconséquences. Quoi qu’il en soit, les humiliations que Dieu permet sont pour notre bien. Elles visent notre salut et notre progrès dans le chemin de la justice et de la sainteté. Que Dieu nous donne d’en comprendre les raisons !

Je vous en supplie, filles de Jérusalem, si vous trouvez mon bien-aimé, que lui direz-vous ? Que je suis malade d’amour.

La sortie nocturne de la jeune fille s’étant soldée par un échec (elle n’a pas, comme la 1ère fois, retrouvé son fiancé), et une humiliation (elle a été agressée par les gardes), elle charge dans son désarroi les jeunes filles de la ville de porter un message à son bien-aimé, au cas où elles le croiseraient. Elles doivent lui faire savoir à tout prix combien elle souffre, à en être malade, de l’amour qu’elle ressent à son sujet. Le message qu’elle veut faire entendre à son bien-aimé témoigne du caractère payant de la stratégie qu’il a suivie. Il n’y a qu’une façon pour Dieu de nous guérir de la nonchalance de nos cœurs à son égard. Il faut que la douleur de l’absence soit plus forte que les sensations agréables de la tiédeur. Il faut que notre être apprenne que nous avons plus à perdre à être coupé de Dieu que de jouir de tout ce que la vie peut nous offrir sans lui. Il y a des maladies qui, dans notre relation avec Dieu, ont pour but de nous guérir de maux plus graves. Que Dieu nous donne le discernement pour le comprendre !

5,9 : les filles de Jérusalem

Qu’a-t-il de plus qu’un autre, ton bien-aimé, toi la plus belle des femmes ? Qu’a-t-il de plus qu’un autre, ton bien-aimé, pour que tu nous supplies de cette manière ?

Au vu de tous les risques et de toutes les folies dont la jeune fille est prête pour retrouver son bien-aimé, la question des filles de Jérusalem est légitime. Seul un être d’une préciosité unique vaille que la passion que l’on éprouve pour lui mette hors de sens ceux qui se sont entichés de lui. Ce qu’est le bien-aimé pour la jeune fille est ce que sera Jésus pour nombre de ses disciples. Pour lui, des pécheurs n’hésiteront pas à braver toutes les convenances et les interdits pour lui signifier leur amour. Au risque de choquer son hôte et ses invités, une pécheresse entrera dans la maison de Simon le pharisien pour pleurer, mouiller les pieds de Jésus, puis les essuyer et verser du parfum sur eux : cf Luc 6,36 à 38. Suscitant l’indignation de Judas Iscariot, Marie de Béthanie choisira de gaspiller un parfum de nard pur de grand prix pour oindre son Sauveur adoré : cf Jean 12,1 à 8. Pour lui, d’autres délaisseront des métiers prometteurs, quitteront père, mère et patrie pour le servir au loin, finiront martyrs pour ne pas le renier… Le prix que nous sommes prêts à payer pour suivre notre Seigneur témoigne de la valeur qu’il a pour nos cœurs.

Qu’a Jésus de plus qu’un autre ? Un court recensement de ses qualités suffit à le démontrer ! En Jésus-Christ, nous avons :

-          Un fondement inébranlable

-          Un amour insondable

-          Une vie impérissable

-          Une justice inattaquable

-          Une paix insurpassable

-          Un repos véritable

-          Une joie durable

-          Une espérance incomparable

-          Une gloire admirable

-          Une lumière ineffable

-          Une force insurmontable

-          Une pureté inaltérable

-          Une beauté inflétrissable

-          Une grâce adorable

-          Une miséricorde inépuisable

-          Une sagesse immuable

-          Un modèle inimitable

-          Des ressources intarissables

-          Des richesses incalculables

-          Des bénédictions innombrables

Oui ! Jésus-Christ, notre bien-aimé est inégalable !

Mon bien-aimé est blanc et vermeil, on le remarque au milieu de dizaine de milliers.

Interrogée au sujet de ce qu’elle trouve à son bien-aimé de supérieur aux autres, la jeune fille ne se fera pas prier pour répondre. Elle va livrer l’un des seuls poèmes qui nous soit parvenu de l’Antiquité à propos des qualités recherchées par une femme chez un homme. L’homme que la femme admire est celui qui se distingue entre tous. C’est un homme remarquable pour la beauté de sa personne. Tout son être possède un charme qui la séduit. Un tel homme est, à ses yeux, rare, voire unique. C’est pourquoi elle désire être à lui. Car elle sait qu’elle ne trouvera pas mieux en-dehors de lui.

Le portrait que dresse la jeune fille de son bien-aimé est conditionné par l’amour qu’elle éprouve pour lui. Il est possible que, pour les jeunes filles de Jérusalem, le jeune homme dont elle parle n’ait que peu d’attrait à côté de Salomon. S’il est une personne qui soit au-dessus du lot, c’est lui et non le berger dont la jeune fille s’est amourachée. L’amour seul possède cette alchimie qui a le pouvoir de changer ce qui est commun en quelque chose de précieux. C’est cet amour qui, dans notre cœur, nous conduit aussi à considérer le Crucifié de Golgotha comme le plus beau des fils de l’homme : Psaume 45,3. Naturellement, nous le concevons, il n’a ni beauté, ni splendeur pour attirer le regard : Esaïe 53,2. Mais, au-delà de l’apparence, l’Esprit a fait briller dans nos cœurs le portrait d’un être à qui nul ne ressemble. Aussi, sommes-nous convaincus. Notre être a trouvé celui auquel notre âme aspirait, le Parfait, l’Excellent. Et nous n’échangerions contre rien le privilège d’être l’objet de son amour.

Sa tête est d’or pur. Ses boucles sont flottantes, noires comme le corbeau.

Dès ses premiers mots, la jeune fille met, pour décrire son bien-aimé, l’accent sur les couleurs. L’élu de son cœur lui apparaît blanc et vermeil. Sa tête est comme l’or pur et ses cheveux bouclés d’un noir profond. La jeune fille n’a pas le jeune homme devant elle. Aussi, c’est par souvenir qu’elle le raconte. La description qu’elle en fait témoigne de ce qui l’a frappé et de ce qui, comme elle l’a dit, le distingue entre mille. Les couleurs nettes qu’elle utilise pour parler de lui témoignent de ce qui l’attire vers lui. Le bien-aimé est un être entier, sans altération. De son être émane une pureté et une candeur immaculées. Les pensées qui viennent de son esprit sont d’une richesse qui équivaut au métal le plus précieux. La couleur et l’ondulation de ses cheveux ressemblent aux panicules[1] de certaines variétés de palmiers. Ils évoquent la droiture et la justice de son caractère. Par les comparaisons qu’elle emploie, la jeune fille montre que ce n’est pas l’apparence qui fait la beauté de son bien-aimé, mais son être, sa personne.

Alors que Jean a connu Jésus homme, il a plu à Dieu de lui donner la vision de l’Etre véritable qu’il est depuis son ascension. « Si nous avons connu Christ de manière purement humaine, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi, dit Paul : 2 Corinthiens 5,16. » Le portrait de Christ que reçoit Jean est aussi coloré. Sa tête et ses cheveux sont blancs comme de la laine blanche, comme de la neige : Apocalypse 1,14. Ils évoquent à la fois la sagesse, la pureté et l’éternité. A l’instar de ces deux exemples, posons-nous la question suivante : si nos amis devaient nous décrire par des couleurs, lesquelles choisiraient-ils pour nous dépeindre ? Le gris de la tristesse et de la banalité ? Le jaune éclatant de la joie et du sourire ? Le rose de l’innocence ? Ou les couleurs criardes du tourment et de la colère ? Que, dans sa grâce, Dieu nous donne de ressembler de plus en plus aux teintes de la personnalité de Jésus !

Ses yeux sont pareils à des colombes au bord des ruisseaux : ils baignent dans le lait, ils reposent au sein de l’abondance

Admirative du visage de son bien-aimé, la jeune fille s’arrête en particulier sur ses yeux. L’image qu’elle utilise pour les décrire est la même que celle du jeune roi pour les siens : Cantique 4,1. Les yeux de son bien-aimé évoque l’innocence de la colombe. Reflets de son âme, ils ne dégagent rien d’agressif, de tourmenté ou de violent. Ils respirent la satisfaction d’un être sevré, en paix avec lui-même et content : Psaume 131,2. Bien que simple berger, le bien-aimé ne connaît pas la crainte. Il n’a pas besoin pour sa protection d’une multitude de guerriers comme Salomon : Cantique 3,7. Il vit dans la liberté de ceux qui savent que leur sort n’est pas dans la main de l’homme, mais de Dieu. Cette sérénité du cœur se traduit dans le regard. Il offre à la bien-aimée l’assurance d’une sécurité plus grande que celle d’une armée. C’est pourquoi elle désire vivre sous ses ailes, à son ombre. Le berger est pour elle un abri meilleur et plus sûr que les palais du roi.

La quiétude tranquille qui se dégage des yeux du bien-aimé évoque le repos que Dieu offre à tous ceux qui cherchent en lui leur refuge. Les psalmistes en témoignent à plusieurs reprises : rien ne procure davantage de paix au cœur que le sentiment d’être à l’abri du Très-Haut : Psaume 17,8-9 ; 57,1-2 ; 61,4 ; 90,1 à 4 ; 91,4. L’Etre de Dieu ne saurait être pris de panique par qui ou quoi que ce soit. Il est le Dieu souverain qui a autorité sur tout et sur tous. Qui vit dans sa proximité n’a à craindre aucun danger.

Ses joues sont comme un parterre d’aromates, ce sont des amas d’épices. Ses lèvres sont des lis d’où coule la myrrhe

Après les couleurs, c’est aux saveurs que la jeune fille fait appel pour décrire ce qu’évoque le visage de son bien-aimé. Il est des personnes dans le monde qui laissent, à leur contact, un goût âcre, déplaisant. Leurs interlocuteurs n’ont qu’une envie : ne plus avoir de relation avec elles. D’autres ont une personnalité si fade qu’elles n’offrent aucun intérêt à être côtoyées durablement. Il n’en est pas ainsi du bien-aimé pour l’élue de son cœur. Sa proximité l’enchante comme des épices le palais. A son contact, toutes les papilles de l’âme se dilatent pour capter l’arôme qu’exhale son être. Chaque rencontre est comme un plat nouveau, agrémenté de nouvelles épices. Le souvenir de la précédente n’est pas encore estompé que, déjà, celle en cours la submerge de ses effluves.

Beaucoup de non-croyants se demandent au fond d’eux ce que nous trouvons de si agréable et de si exaltant dans la piété. La raison de leur étonnement tient à une seule chose : aucun d’eux n’a goûté à quel point le contact avec le Seigneur est bon : 1 Pierre 2,3. Toute la Parole de Dieu témoigne des délices qu’est pour l’âme la communion avec Dieu. « Pourquoi, demande Esaïe, pesez-vous de l’argent pour ce qui ne nourrit pas ? Pourquoi travaillez-vous pour ce qui ne rassasie pas ? Ecoutez-moi donc, et vous mangerez ce qui est bon. Et votre âme se délectera de mets succulents : Esaïe 55,2 ; cf Psaume 63,5. » Le vrai disciple ne Christ ne connait rien du caractère écrasant et rébarbatif de la religion. Porté par l’amour infini de son Bien-aimé, son âme savoure les bienfaits quotidiens de sa présence. La joie qui l’habite est la meilleure invitation à voir et sentir combien le Seigneur est bon : Psaume 34,8. Que chaque jour notre être témoigne de la satisfaction que nous trouvons en lui !

Ses mains sont des anneaux d’or garnis de chrysolites. Son ventre est d’ivoire poli, couverts de saphirs. Ses jambes sont des colonnes de marbre posées sur des bases en or pur.

Après le visage, la jeune fille évoque l’impression qu’exerce sur elle le corps de son bien-aimé. Pour se faire, la seule métaphore qui convient à ses yeux est celle des pierres précieuses les plus magnifiques : or pur, chrysolithe, saphir, ivoire, marbre… La jeune fille ne voit aucun défaut, aucune tare ni disgrâce chez l’élu de son cœur. Tout ce qu’il est, est empreint d’une beauté glorieuse et respire la perfection. La référence faite ici aux pierres précieuses ne relève pas du hasard. Elle se situe dans la lignée d’une utilisation biblique décrivant le sublime et le parfait. Leur première mention se trouve dans le livre de l’Exode, à propos du pectoral que devait porter le grand prêtre. Douze pierres précieuses y étaient enchâssées représentant les douze tribus d’Israël : Exode 28,15 à 21. Elles imageaient la valeur qu’avait le peuple de Dieu à ses yeux. On les retrouve plus tard sous la plume d’Ezéchiel décrivant la beauté magnifique d’une créature céleste affectée à l’Eden, avant sa chute. « Tu représentais, dit le prophète à son sujet, la perfection : cf Ezéchiel 28,11 à 13. » « La valeur, la luminosité, et la nature résistante des pierres précieuses faisaient d’elles l’image la plus appropriée, du point de vue littéraire, pour illustrer la gloire de l’Eternel : Ezéchiel 1,26, et le peuple de Dieu eschatologique : Esaïe 54,12 ; Apocalypse 21,18 à 21.[1] » Evoquant ce symbolisme scripturaire connu, la jeune fille fait passer un message sans ambiguïté à Salomon. Celui-ci peut déployer tous les artifices qu’il veut : belle litière, char magnifique, escorte soldatesque vaillante… Tout cet apparat ne peut rivaliser avec l’éclat et la magnificence qui émanent de l’être de son berger. Ce n’est pas ce qu’il apporte avec lui qui la charme, mais sa personne même. Les filles de Jérusalem avaient posé à la jeune fille la question : « Qu’a-t-il de plus qu’un autre, ton bien-aimé ? : v 9. » Elle leur répond ici ! « Il est une personne d’une qualité incomparable. Rien ne le surpasse. Je n’échangerais rien contre lui. » Les vrais disciples de Christ ne peuvent dire que la même chose de lui : cf Jean 6,67-68.

Son aspect est aussi majestueux que le Liban, aussi distingué que ses cèdres.

Bien qu’il ne soit qu’un simple berger, le bien-aimé porte en lui les insignes d’un caractère royal qui le distingue de tous. La majesté de son être, sa grandeur sont comparables, dit la jeune fille, aux cèdres du Liban, arbre réputé dans l’Antiquité. D’une taille adulte pouvant atteindre 37 mètres, le cèdre était apprécié pour sa résistance hors norme qui faisait de lui un matériau de construction idéal pour les navires, les meubles, les temples et les palais. Salomon pouvait bien être roi. Il n’était pas, selon la jeune fille, fait du même bois que l’élu de son cœur. Quelles que soient les richesses et le luxe qui l’entourent, il n’est pas de taille à rivaliser avec lui. L’excellence n’a pas de prix, et, tout bien pesé, la jeune fille a fait son choix. Elle opte pour la qualité supérieure, celle du berger de son cœur.

Venu en faiblesse, le Christ, dit Esaïe, n’avait ni beauté ni splendeur propre à attirer nos regards, et son aspect n’avait rien pour nous plaire : Esaïe 53,2. Le vrai jugement cependant ne s’arrête pas sur ce que voient les yeux, mais il regarde au cœur. Un jour, dit le prophète, des rois se lèveront et des princes se prosterneront devant l’homme méprisé par la nation : Esaïe 49,7. La grandeur, l’excellence de Jésus-Christ seront alors reconnues pour ce qu’elles sont. Il n’occupa, certes, jamais de trône ici-bas. Mais l’histoire en témoigne : nul homme n'a fait preuve de plus de noblesse et de dignité que lui. Aussi, vient le temps où tous, à genoux, salueront en lui le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs. Heureux ceux qui, dès à présent, par l’Esprit le connaissent comme tel.

Son palais n’est que douceur et toute sa personne est désirable. Tel est mon bien-aimé, tel est mon ami, filles de Jérusalem !

Son palais n’est que douceur et toute sa personne est désirable. Tel est mon bien-aimé, tel est mon ami, filles de Jérusalem !

La personne de son bien-aimé décrite, la jeune fille en arrive à sa conclusion. Pourquoi aime-t-elle par-dessus tout autre l’élu de son cœur ? Tout d’abord, parce que rien de ce qui sort de sa bouche n’a le goût de l’âcreté ou de l’amertume. « Son palais n’est que douceur, dit-elle. » Nous le savons par les paroles de Jésus dans l’Evangile. Ce n’est pas ce qui entre dans l’homme qui le souille, mais ce qui en sort : Marc 7,15. La bouche est le révélateur de ce qui habite notre être profond. Or, la jeune fille l’atteste. Jamais les propos qu’a tenu son bien-aimé ne l’ont blessée ou offusquée. Toujours, même empreints de justesse et de vérité, ils portent en eux la saveur de la grâce et de la bonté. Les paroles du bien-aimé sont le reflet de son être. Salomon a cherché à se rendre désirable à la jeune fille par le faste qu’il a déployé pour la séduire. Mais il a failli. Car rien n’a de puissance d’attraction plus forte pour un cœur qui rêve d’être aimé qu’une personnalité pétrie par la pureté, l’innocence et l’amour. La jeune fille que cherche à gagner le roi, elle aussi, n’est pas faite du même bois que lui. Ce à quoi elle aspire n’est ni le renom, ni la gloire, ni la richesse, ni le luxe. Ce qu’elle désire est un compagnon qui soit un ami, un confident, une épaule, un soutien pour son cœur. Tel est mon bien-aimé, dit-elle aux filles de Jérusalem. Ne vous donne-t-il pas envie ?

6,1 : les filles de Jérusalem

Où est allé ton bien-aimé, toi la plus belle des femmes ? De quel côté ton bien-aimé s’est-il dirigé ? Nous le chercherons avec toi.

Après avoir écouté la réponse de la jeune fille à la question qu’elles lui avaient posé, les filles de Jérusalem changent de ton à son égard. La curiosité a fait place à l’envie. Il ne s’agit plus seulement pour elles d’entendre parler du bien-aimé. Elles veulent le rencontrer. Elles interrogent la jeune fille pour savoir où le trouver. Elles lui demandent de leur montrer le chemin qui mène jusqu’à lui. Elles se proposent même de l’accompagner dans la recherche de sa proximité. La réaction des filles de Jérusalem n’est pas le produit du hasard. Elle est le résultat du témoignage amoureux et passionné que la jeune fille a rendu à son bien-aimé. Ironiques jusque-là, elles se sont en quelque sorte amendés. Un travail secret s’est fait en elles qui a changé les dispositions de leur être. Elles ont mis de côté leurs préjugés pour entamer un vrai chemin de découverte.

Que devons-nous nous faire pour que, de sceptiques qu’ils sont, nos contemporains se mettent à désirer connaître Jésus, notre Bien-aimé ? La jeune fille nous le montre. Nous devons être les témoins passionnés de qui il est. C’est là la mission première qu’il nous a donné : Actes 1,8. Il nous faut, par l’amour et l’admiration que nous portons à son nom, éveiller chez eux le désir de le rencontrer. Certes, ce travail dépasse notre portée. Il n’est pas de notre ressort, mais l’oeuvre du Saint-Esprit. Mais, dès lors que nous remplissons notre rôle, sa puissance nous est promise. Il peut agir et remplacer le doute par le désir. « Et si c’était vrai, se demande alors soudainement l’incrédule ? Si ce que me dit cette personne était juste ? Ne vaudrait-il pas la peine que je fasse l’effort de le savoir ? » A ce stade de la réflexion, un cheminement accompagné peut se mettre en place. Comme Philippe à Nathanaël, nous pouvons dire à notre ami : « Viens et vois ! » : Jean 1,46. « Découvre toi-même Jésus ! Et conclus toi-même : y-a-t-il un seul être qui puisse lui être comparé ? »

6,2-3 : la jeune fille

Mon bien-aimé est descendu à son jardin, au parterre d’aromates, pour prendre soin de son troupeau dans les jardins et pour cueillir les lis.

Interrogée par les filles de Jérusalem sur le lieu où se trouve son bien-aimé, la jeune fille n’a pas d’hésitation. Celui-ci ne peut être qu’à un seul endroit : avec son troupeau. Pour un berger digne de ce nom, il n’y a une chose qui compte par-dessus tout. C’est la santé de ses brebis. Jour après jour, heure après heure, du lever du soleil jusqu’à son coucher, le berger n’a que cette préoccupation en tête : prendre soin de son troupeau. Une brebis est-elle malade ? Il faut la soigner. La chaleur du jour est-elle trop forte ? Il faut conduire le cheptel dans des endroits ombragés, près de sources d’eaux claires. Un prédateur est-il à l’affût ? Il faut protéger les bêtes, au risque, comme David, d’y laisser sa vie : 1 Samuel 17,34-35. En vérité, il n’y a pas un instant de la journée pendant lequel le berger ne doit être présent pour ses brebis. S’il doit partir, il ne les laissera pas seules. Il veillera à être remplacé pour revenir au plus vite vers elles dès que la nécessité de l’absence s’arrêtera : cf 1 Samuel 17,20.

Dans quel lieu, ceux qui cherchent le Seigneur Jésus, peuvent-ils le trouver ? Les Evangiles répondent à la question. « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux : Matthieu 18,20. » Il n’y a pas de meilleur endroit que la communauté des disciples de Jésus pour le faire connaître à ceux qui cherchent à le découvrir. C’est là que les effets pratiques de ses tendres soins sont le plus visibles. La santé de la communauté est le témoignage le plus éloquent en faveur de la qualité du berger qui s’occupe d’elles. L’amour et l’unité qui relient ses membres sont, selon les dires de Jésus, les éléments majeurs déclencheurs de la foi : Jean 13,35 ; 17,20-21. C’est de la communauté que le parfum royal du Christ s’exhale et se fait sentir par ceux qui ne le connaissent pas. Invitons nos amis qui le cherchent à venir pour en humer l’arôme céleste. Comme la reine de Saba au retour de sa visite au roi Salomon, ils nous diront : « Je ne le croyais pas avant de venir et de le voir de mes yeux. Et l’on ne m’en avait même pas raconté la moitié ! : 1 Rois 11,7. »

Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi. Il a conduit son troupeau parmi les lis.

Pour la seconde fois, mais dans un ordre inverse, la jeune fille proclame le caractère exclusif de la relation qui la lie à son bien-aimé : cf Cantique 2,16. Dans la première déclaration, l’emphase était mise sur le fait que le bien-aimé était la possession de la jeune fille. « Mon bien-aimé est à moi, s’était-elle écriée. » La jeune fille exprimait ici la joie qui était la sienne d’avoir trouvé en son bien-aimé l’élu de son cœur. Cette première affirmation fut suivie d’une seconde que l’on trouve ici en tête : « Et moi, je suis à lui ! ». La 2ème proposition soulignait le caractère réciproque du lien unique qui scellait l’union amoureuse du couple. En débutant ici par celle-ci, la jeune fille exprime le bonheur profond qu’elle ressent à l’idée de ne plus s’appartenir, mais d’être le sujet de la jouissance de son bien-aimé. Dans le 1er cas, la jeune fille pensait d’abord au plaisir qui était le sien d’avoir le bien-aimé pour elle. Dans le second, ce plaisir se trouve pour elle dans la joie de se donner à lui. Ce n’est plus à sa propre félicité qu’elle pense en priorité, mais à celle qu’elle peut lui procurer.

Une des marques d’une relation d’amour authentique est cette inversion de priorité dont témoigne ici la jeune fille. La joie intense que nous procure le bonheur d’avoir trouvé l’élu(e) de notre cœur est première. Mais elle ne s’arrête pas là. L’amour vrai la mue toujours en désir profond de chercher sa félicité en nous donnant à lui. Nous ne pouvons éprouver la joie d’être aimé sans aimer en retour de la même manière. Il en est ici de la relation amoureuse comme de celle, d’ordre spirituel, que nous avons pour notre Dieu. « Pour nous, dit Jean, nous l’aimons parce qu’il nous a aimés le premier : 1 Jean 4,10. » C’est parce qu’il s’est donné à nous qu’à notre tour, nous voulons nous offrir à lui. Ce don de nous-même au Bien-aimé est le parfum royal qui devrait embaumer toute la maison de Dieu : cf Jean 12,1 à 6. Est-il celui que ressent quiconque y entre ?


[1] Bible avec notes d’études archéologiques et historiques : page 1046


[1] Selon Darby : Fruits noirs en grappes de certaines variétés de palmiers


[1] Commentaire Cantique des cantiques chapitre 3, verset 4


[1] La Bible avec notes d’étude archéologiques et historiques


[1] Mes prisons avec Dieu : Richard Wurmbrand : Editions Casterman

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