mercredi 27 octobre 2021

EPILOGUE

 8,8 et 9 : les frères de la jeune femme

 Nous avons une petite sœur qui n’a pas encore de poitrine. Que ferons-nous de notre sœur, le jour où on la réclamera ?

 L’épreuve par laquelle est passée la Sulamite ne l’a pas seulement révélée à elle-même, mais aussi à ses frères. Jusqu’alors, le Cantique témoigne que ceux-ci n’avaient pas beaucoup de respect pour elle. Nous les voyons au début du livre irrités contre elle : Cantique 1,6. Sa résistance envers Salomon, la fidélité de son amour pour son berger, l’ont grandi à leurs yeux. Leur revirement nous fait penser à celui des frères de Jésus. Incrédules à son sujet au commencement de son ministère public : Jean 7,4 et 5, nous les retrouvons avec les disciples, réunis dans la chambre haute dans l’attente de la venue de l’Esprit : Actes 1,14. La détermination de Jésus dans l’amour a eu raison de leurs réticences.

 Ayant connu de près le parcours de leur sœur pubère, ils se soucient de celle qui n’est encore qu’une enfant. Ils savent que l’état dans lequel elle se trouve ne va pas durer. Un jour, sa poitrine se formera. L’enfant deviendra une jeune fille qui attirera, à cause de ses charmes, de nombreux courtisans. « Que ferons-nous ? », s’interrogent les frères. « Allons-nous la laisser livrer le combat de la conquête de son cœur, seule ? » Les frères sont déterminés : il n’en est pas question. Les luttes et la victoire remportée par la Sulamite ont réveillé leurs consciences. Ce réveil a provoqué chez eux un changement de mentalité qui les amène à comprendre la responsabilité qui est la leur envers leur jeune sœur. Ils seront pour elle ce que Caïn a refusé d’être pour Abel, son cadet : ses gardiens : cf Genèse 4,9. Que cet état d’esprit soit aussi le nôtre, entre frères et sœurs dans l’Eglise !

Si elle est un rempart, nous construirons sur elle des créneaux en argent ; si elle est une porte, nous la fermerons avec une planche de cèdre.

La réflexion des frères de la Sulamite, au sujet de sa petite sœur, est un modèle du genre. Elle manifeste à la fois le respect qu’ils ont pour sa personne et le souci de sa protection. Les frères de la Sulamite n’adoptent pas à son égard une position arbitraire. Ils envisagent deux options et adaptent leur attitude à son égard en fonction de celle qu’elle démontrera. Si leur jeune sœur fait preuve de fermeté et de maturité dans cette question, elle peut savoir qu’elle peut compter sur eux pour la soutenir. Ils seront pour elle ce que sont des tours de guets, ou des créneaux pour un rempart. Un créneau est une ouverture contrôlée, pratiquée au sommet d’un rempart. Elle permet aux défenseurs des murailles de voir les assaillants et de tirer des projectiles. Si, en revanche, la jeune fille montre, par sa naïveté, une ouverture aux hommes trop grande, ils veilleront à la sauver d’elle-même en prenant les mesures qui s’imposent. L’esprit de responsabilité qui les anime est l’exemple même de celui qui devrait avoir cours dans la communion fraternelle. Il ne verse ni dans une ingérence trop forte, ni dans un laisser-faire coupable. Il incarne l’exhortation de l’Ecriture à ce sujet : « Exhortez-vous les uns les autres chaque jour, aussi longtemps qu’on peut dire : Aujourd’hui ! afin qu’aucun de vous ne s’endurcisse par la séduction du péché : Hébreux 3,13. » Heureuses la famille et la communauté qui font preuve à ce point de la préoccupation de ses membres !

 8,10 et 11 : la jeune femme

 Je suis un rempart et mes seins sont comme des tours. A ses yeux, j’ai été pareille à celle qui trouve la paix.

 Reprenant la rhétorique de ses frères, la Sulamite exprime le sentiment qui est le sien, parvenue au dénouement de son épreuve. Non ! Dans son for intérieur, elle n’était pas prête, comme une porte ouverte, à accueillir sans résistance les propositions flatteuses qui lui étaient faites. Son cœur était une place forte qui abritait un amour secret. Il n’avait pas de place en son sein pour un autre objet que lui. Cette volonté, la Sulamite l’a fait valoir en réservant ses charmes uniquement à celui qu’elle aime. Quiconque tenterait de s’en emparer devait s’attendre à une riposte nourrie et déterminée. La fermeté de la Sulamite, non seulement l’a rendue victorieuse, mais lui a assuré la paix. La position résolue qu’elle a adoptée l’a délivré des tiraillements qu’engendre l’indécision. Le roi a dû s’y résoudre : la belle jeune fille de la campagne qu’il voulait annexer à son harem ne sera pas à lui. Il va devoir s’y faire. Et s’il ne l’a pas encore compris, elle va le lui signifier clairement.

Salomon avait une vigne à Baal-Hamon. Il a confié la vigne à des gardiens : chacun apportait 1 000 pièces d’argent pour récolter son fruit. Ma vigne à moi, je la garde. A toi, Salomon, les 1 000 pièces d’argent, et 200 à ceux qui gardent son fruit.

En tant que souverain, Salomon avait l’habitude d’obtenir ce qu’il voulait. Il n’avait nul besoin d’ailleurs de s’occuper lui-même de ses affaires. Il déléguait la responsabilité de la gestion de ses biens à des serviteurs qui lui en rapportaient le fruit chaque année : 1 Rois 10,25. Il en était de l’or, des vêtements, des chevaux ou des armes de Salomon comme de ses femmes. Le roi envoyait ses émissaires un peu partout dans les pays environnants pour en acquérir de nouvelles : 1 Rois 11,1-2. Avec la Sulamite, le roi devra apprendre qu’il n’a pas à faire avec une femme qu’il peut acheter. Si belle, si désirable soit-elle, c’est elle seule qui décide à qui elle se donne. Prisonnière de l’amour qu’elle porte à celui qu’elle aime, elle se réserve à lui seul. Les serviteurs de Salomon, venus pour réclamer ce qu’il croit être son dû, en seront pour leur frais. Ils rentreront bredouille vers leur maître, porteur d’un message qu’il a besoin d’entendre. Une femme n’est pas une marchandise, un bien matériel. C’est un cœur, une âme, une personne. Aimer comme Salomon aime n’est pas aimer. C’est jouir, profiter, satisfaire des désirs. L’amour véritable est exclusif. On peut aimer des vêtements de différentes couleurs, des meubles faits de bois différent. Mais on aime entièrement un seul être. Quand bien même Salomon paierait le prix fort, il n’aurait pas la Sulamite. Elle est une femme libre d’aimer qui elle veut et tient à le rester. Que sa liberté courageuse nous inspire dans l’amour exclusif que nous portons à Jésus-Christ, notre bien-aimé.

8,13 : le berger

Habitante des jardins, des compagnons prêtent attention à ta voix. Fais-la moi entendre !

Le Cantique des cantiques ne pouvait se terminer sans que celui qui est l’enjeu du combat que la Sulamite a mené ne parle. Comme il en était des pensées de la jeune fille pour lui, ses pensées se portent vers elle. Elle est pour lui ce qu’Eve était pour Adam, dans le jardin des délices dans lequel Dieu les avait placés. A ce moment, Eve était tout pour Adam, la chair de sa chair, le bonheur de son cœur, le vis-à-vis qui allait combler sa solitude. La Sulamite est pour le berger qui l’aime l’habitante des jardins de son cœur. Il n’a qu’un désir : être auprès d’elle et entendre sa voix. Ce retour dans l’Eden primitif évoque un triste souvenir que la Sulamite peut effacer. Au jour où notre première mère prit la parole, ce fut pour entraîner son bien-aimé dans la désobéissance. Ils furent alors chassés du jardin et les anges veillèrent à leur en interdire l’accès. Ici, le berger, comme ses compagnons, guette sa voix pour écouter ce qu’elle va dire. Va-t-elle être une nouvelle Eve ou l’anti-Eve, cette compagne de l’homme qui ne vise que son bien ? Ou l’histoire du 1er couple humain va-t-elle se perpétuer sans que jamais l’objectif de l’amour, voulu par Dieu, ne triomphe de tout ?

La scène que présente le cantique des cantiques est une allégorie de l’histoire humaine. Si le 1er Adam et la 1ère Eve ont failli, il ne faut pas qu’il en soit ainsi pour les seconds. Jésus-Christ et l’Eglise sont ensemble la tête de la nouvelle humanité. Leur idylle ne se passe pas dans le secret, mais sous le regard des êtres célestes, les compagnons du bien-aimé : cf Hébreux 1,9. Amis de l’Epoux, ils se réjouissent avec lui de l’amour de l’Epouse et de leur future union. Non ! Le drame qui a inauguré l’histoire de l’humanité n'est pas éternel. Une histoire d’amour nouvelle a vu le jour. Saisi par l’amour, un peuple fait d’hommes et de femmes de toutes nations se prépare à vivre des noces éternelles avec le Bien-aimé de son cœur : Jésus-Christ. En ce jour, le ciel et la terre s’uniront dans une joie infinie et sans mesure. Que ce jour, qui conclura l’épopée humaine vienne bientôt !

Prends la fuite, mon bien-aimé ! Montre-toi pareil à la gazelle ou au jeune cerf sur les montagnes aux aromates !

Si la jeune fille a clairement signifié à Salomon à qui elle voulait se donner, elle sait que l’heure n’est pas encore venue où elle pourra pleinement jouir de son union avec celui qu’elle aime. Le temps présent n’est, de loin, pas débarrassé de tout danger. Elle appelle donc son bien-aimé, non à venir vers elle, mais à fuir vers les hauteurs parfumées de son domaine. Elle le rejoindra un jour dans ce lieu mais, pour l’heure, elle ne vivra son amour qu’en espérance.

La situation de la Sulamite évoque celle de l’Eglise, fiancée du Christ, dans le temps actuel. Affermie dans son amour pour lui au travers des épreuves qu’elle traverse, il ne lui est pas possible ici-bas de jouir pleinement du bonheur de son union avec lui. Son bien-aimé qui est venu la visiter, s’en est allé. Il est retourné dans son royaume glorieux. L’Eglise, quant à elle, vit toujours sur la terre. Le temps de son pèlerinage n’est plus celui du choix. Il est désormais celui de l’attente. Quand tous les royaumes de ce monde passeront, la domination sera remise à l’Elu de son cœur. Alors, belle comme une mariée resplendissante, l’Eglise paraîtra aux côtés de son céleste époux pour régner avec lui. Le temps de la consommation de toutes choses sera arrivé !

Ecoutons, pour conclure, le témoignage des pèlerins qui se sont approchés de ce jardin céleste qui nous attend :

« C’est un pays où l’air est fort serein et fort doux. Et, parce que c’était leur chemin, ils s’y arrêtèrent quelque temps pour s’y reposer et s’y rafraîchir. Ils entendirent sans interruption le chant des oiseaux. Chaque jour, ils voyaient sortir les fleurs de la terre et ils entendaient des sons délicieux. Dans ce climat, le soleil luit nuit et jour, car le pays est situé à l’opposé de la vallée obscure et bien loin du géant Désespoir. C’est là la frontière du ciel, et c’est ici que se renouvellent les promesses entre l’époux et l’épouse. Oui, c’est ici que :« Comme un jeune homme s'unit à une vierge, ainsi tes fils s'uniront à toi ; et comme la fiancée fait la joie de son fiancé, ainsi tu feras la joie de ton Dieu : Esaïe 62,5… Ils eurent donc, en marchant dans ce pays, infiniment plus de joie qu’ils n’en avaient eu pendant tout leur voyage, et, à mesure qu’ils approchaient plus de la ville, ils la voyaient plus distinctement. Et la gloire de cette cité était si grande que le Chrétien devint malade d’impatience d’y arriver. »

 Que cette impatience soit aussi la nôtre !

 

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