8,8 et 9 : les frères de la jeune femme
Si elle est un rempart, nous construirons sur elle
des créneaux en argent ; si elle est une porte, nous la fermerons avec une
planche de cèdre.
La réflexion des frères de la Sulamite, au sujet de sa petite sœur,
est un modèle du genre. Elle manifeste à la fois le respect qu’ils ont pour sa
personne et le souci de sa protection. Les frères de la Sulamite n’adoptent pas
à son égard une position arbitraire. Ils envisagent deux options et adaptent
leur attitude à son égard en fonction de celle qu’elle démontrera. Si leur
jeune sœur fait preuve de fermeté et de maturité dans cette question, elle peut
savoir qu’elle peut compter sur eux pour la soutenir. Ils seront pour elle ce
que sont des tours de guets, ou des créneaux pour un rempart. Un créneau est
une ouverture contrôlée, pratiquée au sommet d’un rempart. Elle permet aux
défenseurs des murailles de voir les assaillants et de tirer des projectiles. Si,
en revanche, la jeune fille montre, par sa naïveté, une ouverture aux hommes trop
grande, ils veilleront à la sauver d’elle-même en prenant les mesures qui s’imposent.
L’esprit de responsabilité qui les anime est l’exemple même de celui qui
devrait avoir cours dans la communion fraternelle. Il ne verse ni dans une
ingérence trop forte, ni dans un laisser-faire coupable. Il incarne l’exhortation
de l’Ecriture à ce sujet : « Exhortez-vous les uns les autres
chaque jour, aussi longtemps qu’on peut dire : Aujourd’hui ! afin qu’aucun
de vous ne s’endurcisse par la séduction du péché : Hébreux 3,13. » Heureuses la famille et la
communauté qui font preuve à ce point de la préoccupation de ses membres !
8,10 et 11 : la jeune femme
Je suis un rempart et mes seins sont comme des tours. A ses yeux, j’ai été pareille à celle qui trouve la paix.
Reprenant la rhétorique de ses frères, la Sulamite exprime le sentiment qui est le sien, parvenue au dénouement de son épreuve. Non ! Dans son for intérieur, elle n’était pas prête, comme une porte ouverte, à accueillir sans résistance les propositions flatteuses qui lui étaient faites. Son cœur était une place forte qui abritait un amour secret. Il n’avait pas de place en son sein pour un autre objet que lui. Cette volonté, la Sulamite l’a fait valoir en réservant ses charmes uniquement à celui qu’elle aime. Quiconque tenterait de s’en emparer devait s’attendre à une riposte nourrie et déterminée. La fermeté de la Sulamite, non seulement l’a rendue victorieuse, mais lui a assuré la paix. La position résolue qu’elle a adoptée l’a délivré des tiraillements qu’engendre l’indécision. Le roi a dû s’y résoudre : la belle jeune fille de la campagne qu’il voulait annexer à son harem ne sera pas à lui. Il va devoir s’y faire. Et s’il ne l’a pas encore compris, elle va le lui signifier clairement.
Salomon
avait une vigne à Baal-Hamon. Il a confié la vigne à des gardiens : chacun
apportait 1 000 pièces d’argent pour récolter son fruit. Ma vigne à moi,
je la garde. A toi, Salomon, les 1 000 pièces d’argent, et 200 à
ceux qui gardent son fruit.
En tant que souverain, Salomon
avait l’habitude d’obtenir ce qu’il voulait. Il n’avait nul besoin d’ailleurs
de s’occuper lui-même de ses affaires. Il déléguait la responsabilité de la
gestion de ses biens à des serviteurs qui lui en rapportaient le fruit chaque
année : 1 Rois 10,25. Il en était de l’or,
des vêtements, des chevaux ou des armes de Salomon comme de ses femmes. Le roi
envoyait ses émissaires un peu partout dans les pays environnants pour en
acquérir de nouvelles : 1 Rois 11,1-2. Avec
la Sulamite, le roi devra apprendre qu’il n’a pas à faire avec une femme qu’il
peut acheter. Si belle, si désirable soit-elle, c’est elle seule qui décide à
qui elle se donne. Prisonnière de l’amour qu’elle porte à celui qu’elle aime,
elle se réserve à lui seul. Les serviteurs de Salomon, venus pour réclamer ce
qu’il croit être son dû, en seront pour leur frais. Ils rentreront bredouille
vers leur maître, porteur d’un message qu’il a besoin d’entendre. Une femme n’est
pas une marchandise, un bien matériel. C’est un cœur, une âme, une personne.
Aimer comme Salomon aime n’est pas aimer. C’est jouir, profiter, satisfaire des
désirs. L’amour véritable est exclusif. On peut aimer des vêtements de
différentes couleurs, des meubles faits de bois différent. Mais on aime
entièrement un seul être. Quand bien même Salomon paierait le prix fort, il n’aurait
pas la Sulamite. Elle est une femme libre d’aimer qui elle veut et tient à le
rester. Que sa liberté courageuse nous inspire dans l’amour exclusif que nous
portons à Jésus-Christ, notre bien-aimé.
8,13 :
le berger
Habitante des jardins, des
compagnons prêtent attention à ta voix. Fais-la moi entendre !
Le Cantique des cantiques ne
pouvait se terminer sans que celui qui est l’enjeu du combat que la Sulamite a
mené ne parle. Comme il en était des pensées de la jeune fille pour lui, ses
pensées se portent vers elle. Elle est pour lui ce qu’Eve était pour Adam, dans
le jardin des délices dans lequel Dieu les avait placés. A ce moment, Eve était
tout pour Adam, la chair de sa chair, le bonheur de son cœur, le vis-à-vis qui
allait combler sa solitude. La Sulamite est pour le berger qui l’aime l’habitante
des jardins de son cœur. Il n’a qu’un désir : être auprès d’elle et
entendre sa voix. Ce retour dans l’Eden primitif évoque un triste souvenir que
la Sulamite peut effacer. Au jour où notre première mère prit la parole, ce fut
pour entraîner son bien-aimé dans la désobéissance. Ils furent alors chassés du
jardin et les anges veillèrent à leur en interdire l’accès. Ici, le berger,
comme ses compagnons, guette sa voix pour écouter ce qu’elle va dire. Va-t-elle
être une nouvelle Eve ou l’anti-Eve, cette compagne de l’homme qui ne vise que
son bien ? Ou l’histoire du 1er couple humain va-t-elle se
perpétuer sans que jamais l’objectif de l’amour, voulu par Dieu, ne triomphe de
tout ?
La scène que présente le cantique
des cantiques est une allégorie de l’histoire humaine. Si le 1er
Adam et la 1ère Eve ont failli, il ne faut pas qu’il en soit ainsi
pour les seconds. Jésus-Christ et l’Eglise sont ensemble la tête de la nouvelle
humanité. Leur idylle ne se passe pas dans le secret, mais sous le regard des
êtres célestes, les compagnons du bien-aimé : cf Hébreux
1,9. Amis de l’Epoux, ils se réjouissent avec lui de l’amour de l’Epouse
et de leur future union. Non ! Le drame qui a inauguré l’histoire de l’humanité
n'est pas éternel. Une histoire d’amour nouvelle a vu le jour. Saisi par l’amour,
un peuple fait d’hommes et de femmes de toutes nations se prépare à vivre des
noces éternelles avec le Bien-aimé de son cœur : Jésus-Christ. En ce jour,
le ciel et la terre s’uniront dans une joie infinie et sans mesure. Que ce jour,
qui conclura l’épopée humaine vienne bientôt !
Prends la fuite, mon
bien-aimé ! Montre-toi pareil à la gazelle ou au jeune cerf sur les
montagnes aux aromates !
Si la jeune fille a clairement
signifié à Salomon à qui elle voulait se donner, elle sait que l’heure n’est
pas encore venue où elle pourra pleinement jouir de son union avec celui
qu’elle aime. Le temps présent n’est, de loin, pas débarrassé de tout danger.
Elle appelle donc son bien-aimé, non à venir vers elle, mais à fuir vers les
hauteurs parfumées de son domaine. Elle le rejoindra un jour dans ce lieu mais,
pour l’heure, elle ne vivra son amour qu’en espérance.
La situation de la Sulamite évoque
celle de l’Eglise, fiancée du Christ, dans le temps actuel. Affermie dans son
amour pour lui au travers des épreuves qu’elle traverse, il ne lui est pas
possible ici-bas de jouir pleinement du bonheur de son union avec lui. Son
bien-aimé qui est venu la visiter, s’en est allé. Il est retourné dans son
royaume glorieux. L’Eglise, quant à elle, vit toujours sur la terre. Le temps
de son pèlerinage n’est plus celui du choix. Il est désormais celui de
l’attente. Quand tous les royaumes de ce monde passeront, la domination sera
remise à l’Elu de son cœur. Alors, belle comme une mariée resplendissante,
l’Eglise paraîtra aux côtés de son céleste époux pour régner avec lui. Le temps
de la consommation de toutes choses sera arrivé !
Ecoutons, pour conclure, le
témoignage des pèlerins qui se sont approchés de ce jardin céleste qui nous
attend :
« C’est un pays où l’air est fort
serein et fort doux. Et, parce que c’était leur chemin, ils s’y arrêtèrent
quelque temps pour s’y reposer et s’y rafraîchir. Ils entendirent sans
interruption le chant des oiseaux. Chaque jour, ils voyaient sortir les fleurs
de la terre et ils entendaient des sons délicieux. Dans ce climat, le soleil
luit nuit et jour, car le pays est situé à l’opposé de la vallée obscure et
bien loin du géant Désespoir. C’est là la frontière du ciel, et c’est ici que
se renouvellent les promesses entre l’époux et l’épouse. Oui, c’est ici que :«
Comme un jeune homme s'unit à une vierge, ainsi tes fils s'uniront à toi ; et
comme la fiancée fait la joie de son fiancé, ainsi tu feras la joie de ton Dieu :
Esaïe 62,5… Ils eurent donc, en marchant dans ce
pays, infiniment plus de joie qu’ils n’en avaient eu pendant tout leur voyage,
et, à mesure qu’ils approchaient plus de la ville, ils la voyaient plus
distinctement. Et la gloire de cette cité était si grande que le Chrétien
devint malade d’impatience d’y arriver. »
Que cette impatience soit aussi la nôtre !
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