8,5a :
les filles de Jérusalem
Qui est celle qui monte du désert, appuyée sur son bien-aimé ?
La question posée ici par les
filles de Jérusalem fait écho à celle qui débute la 3ème rencontre :
Cantique 3,6. Lors de ce moment, les filles de
Jérusalem avaient exalté la grandeur et la puissance du roi Salomon. Le but de
la louange qui lui était adressé était d’ouvrir les yeux de la Sulamite sur le
privilège qui serait le sien d’être la reine d’un tel roi. Celle-ci n’en a pas
voulu. A l’endroit même où Salomon est apparu dans sa gloire, les filles de
Jérusalem voient arriver un cortège beaucoup plus modeste. La Sulamite apparaît
seule, appuyée au bras de son fiancé. Ici, point de vaillants hommes pour l’entourer,
point de colonnes de fumée, de vapeurs de myrrhe, point de litière ornée d’or,
d’argent et de broderie fine : cf Cantique 3,6 à
10. La seule parure de la Sulamite est le bonheur dont elle jouit d’être
au bras de celui qu’elle aime. La joie de sa présence à ses côtés lui suffit,
la comble. La jeune fille est au sommet de la félicité.
Alors que tant de choses leur
sont proposées pour les combler, les élus de Dieu n’aspirent qu’à une seule. Comme
il en est pour la Sulamite, leur béatitude n’est pas dans la possession de
mille biens, mais dans la présence d’un seul être : Jésus, leur bien-aimé.
Être avec lui leur suffit, ils ne demandent rien d’autre. Tout, dans ce monde,
travaille à les détourner de lui ou à les conduire à l’oublier. Mais rien n’y
fait. Qui a goûté à la saveur de l’amour de Jésus sait que rien ne lui
procurera plus de bonheur. Notre fierté n’est pas d’être dans la cour des
grands de ce monde. Elle est d’être dans le cortège nuptial du Fils de Dieu,
appuyé sur son bras. Que ce jour de noces, qui conclura pour l’éternité la
réalité de notre union avec lui vienne bientôt : cf Apocalypse 19,6 à 9.
8,5b à 7 : la
jeune femme
Je t’ai réveillé sous le pommier.
C’est là que ta mère est tombée enceinte de toi, c’est là qu’elle est tombée
enceinte et t’a donné le jour.
Partie à la recherche de son
bien-aimé, la Sulamite le trouve endormi à l’endroit même où sa mère l’a conçu :
sous le pommier. Que faisait-il là ? Le récit ne nous le dit pas. Il
souligne seulement le fait que c’est là où débuta sa vie que l’élue de son cœur
le rejoint, dans le but de s’unir à lui pour toujours. Dans la perspective de
leur union, les amoureux ont souvent besoin, de la part de Dieu, de
confirmations avant de s’engager l’un envers l’autre. Cette nécessité est d’autant
plus forte si, comme dans le cas de la Sulamite, l’entourage cherche à pousser
la jeune fille dans les bras d’un autre homme que celui qu’elle aime. Nous
pouvons compter sur la conduite de Dieu pour ne pas nous tromper dans ce
domaine si décisif pour notre vie future. Le lieu où la Sulamite trouve son
chéri ne peut que la réjouir. Là où il a vu le jour, là où la vie est née, là la
providence leur a donné rendez-vous pour sceller leur union et perpétuer la
vie. Si, pour tous les autres, le pommier du verger ne signifiait rien, pour eux
il ne pouvait être qu’un clin d’œil du destin. Dieu, qui a tous les fils de notre
vie en main, sait comment les arranger pour susciter des évènements porteurs de
signification pour ceux qu’il conduit. Qu’il nous donne d’être sensible à sa
direction, visible dans l’agencement des faits et des circonstances.
Fais de moi comme une empreinte (un
sceau) sur ton cœur, comme une empreinte (un sceau) sur ton bras
Alors que, tout au long du Cantique
des cantiques, la jeune fille doit lutter contre les assauts du roi qui veut gagner
son cœur, elle comprend ici que son combat ne cessera pour elle qu’au jour où,
dans celui de son bien-aimé, la signature de son nom sera gravée de manière
indélébile. Dans la Parole de Dieu, le sceau que la jeune fille réclame, a
toujours le même sens. Il est le symbole et la marque de la propriété. Le sceau
du roi sur un document ou sur un objet témoignait aux yeux de tous que celui-ci
émanait de lui ou lui appartenait. La jeune fille le dit ici : tant que
celui qu’elle aime n’aura pas marqué son nom sur son cœur et sur son bras, elle
ne sera pas libre à l’égard des autres prétendants qui la voudront pour eux.
Nous le savons, mais il est
toujours bon de nous en rappeler. Le salut de notre âme ne vient pas de nous, mais
de ce que le Christ, notre Sauveur et notre Bien-aimé a fait pour nous. Dans
son amour, dit Paul aux Ephésiens, il nous a choisis dès avant la fondation du
monde : Ephésiens 1,4. Ce choix que Dieu a fait de ses élus n’est connu que
de lui seul. Avant même que ceux-ci le sachent, il a gravé leurs noms dans son cœur.
Pour que le salut des choisis soit effectif, l’élection ne pouvait rester
secrète. Il fallait qu’à la vue de tous, la marque de leur nom soit imprimée
sur le bras de Dieu. Cette marque visible du salut sur le bras de Dieu s’est
faite à la croix du Calvaire. Là, le Christ, notre Berger, donne sa vie pour le
salut de ses brebis : Jean 10,11. Par la
croix, ceux qu’il a choisi d’avance sont justifiés : Romains 8,29-30. Le nom des rachetés inscrits sur son cœur
le sont sur son bras et ses mains.
Revenons à la demande que fait la
Sulamite. En quoi le fait d’avoir son nom imprimé sur le cœur et le bras de son
bien-aimé garantit-elle sa sécurité ? Un verset du prophète Esaïe, au
sujet de Sion, y répond :
« Voici, dit Dieu à Sion, je
t’ai gravé sur mes mains. Tes murs sont constamment devant mes yeux : Esaïe 49,16. »
« Je t’ai gravé sur mes
mains. Par conséquent, il est impossible un seul instant que je t’oublie. Tu es
à moi. Tu es ma propriété pour toujours. Et chacun qui voit cette marque le
sait. » D’où viendront, pour la Sulamite, le repos et la
sécurité dont son cœur a besoin au sujet de son amour ? Est-elle dans la
force de ses sentiments, dans la lutte qu’elle mène pour rester attachée à son
bien-aimé ? Non ! Elle se trouve dans l’acte qui atteste que,
désormais, elle ne s’appartient plus, mais qu’elle est à son bien-aimé. La même
sécurité, dit Paul, est offerte, à ceux qui, dans la Nouvelle Alliance, sont
les objets de l’amour rédempteur du Christ :
« Vous avez été marqués, dit
Paul, par l’empreinte, le sceau du Saint-Esprit qui avait été promis. Il est le
gage de votre héritage en attendant la libération de ceux que Dieu s’est acquis
pour célébrer sa gloire : Ephésiens 1,14. »
Le salut des élus n’est pas
garanti par la force de leur attachement à leur Dieu. Il l’est par la double
signature de Dieu sur leurs vies. La 1ère, invisible, est le
fondement de la seconde. La seconde est la confirmation de la 1ère.
L’histoire d’amour qui s’est construite entre Dieu et nous est semblable à
celle qui aboutit au mariage entre un homme et une femme. Elle commence dans le
cœur et finit par une bague au doigt. L’alliance atteste aux yeux de tous que
les époux ne sont plus libres, mais qu’ils s’aiment et sont l’un à l’autre pour
toujours. Il y a dans le monde invisible deux marques qui sont un message clair
pour les esprits : la marque des clous sur les mains de Jésus et la marque
du sceau de l’Esprit dans le cœur des élus. Tout esprit qui les voit sait à
quoi s’en tenir. Il sait qu’il n’a pas le pouvoir de ravir ses âmes à celui à
qui elles appartiennent.
Car l’amour est aussi fort que la
mort…
Il y a, dans le monde et dans le cœur
des hommes, deux puissances qui agissent avec une vigueur égale l’une à l’autre.
Ces deux forces sont comme deux courants irrésistibles qui emportent inexorablement
ceux qui sont dans leurs cours vers leur destin. Bien que totalement contraires,
elles se ressemblent pourtant par le fait que les mêmes éléments s’y
retrouvent. Ces deux passions, dit le Cantique, sont l’amour et la mort.
Cette vision binaire du monde est
aujourd’hui ce qui est fondamentalement remis en cause. Au siècle de la
tolérance, il n’est pas possible de classer les êtres de façon catégorique. Il
ne nous faut pas penser en noir et blanc, mais en nuances de gris. La preuve
actuelle la plus forte de ce relativisme ambiant se manifeste dans la théorie
du genre. L’identité sexuelle des êtres n’est pas définie par la biologie, mais
par les orientations de leurs désirs. Certains sont nés hommes, mais, dit-on,
ils ont en eux une identité de femmes ou vice versa. D’autres se trouvent dans
un flou plus grand encore. Ils sont des « fluid genders », des
personnes indéfinies sur le plan sexuel, un matin homme, le lendemain femme. C’est
oublier à quel point la nature humaine est corrompue et pervertie.
L’évangéliste Jean est peut-être
celui qui, dans l’Ecriture, a le mieux défendu l’idée d’un monde binaire. Les
hommes nagent, soit dans le courant de l’amour, soit dans celui de la mort.
Dans la pensée de Jean, il n’y a que deux options possibles pour l’humain :
être dans les ténèbres ou dans la lumière, aimer son frère ou le haïr,
pratiquer la vérité ou le mensonge, la justice ou l’iniquité, être croyant ou
incrédule, adhérer au Christ ou à l’Antichrist… La conception du réel de Jean
se calque sur celle de Jésus qui disait : « celui qui n’est pas
avec moi est contre moi, et celui qui n’assemble pas avec moi disperse : Luc 11,23. » Rien cependant n’atteste autant
la radicalité du choix auquel nous sommes confrontés que la croix où Jésus
meurt. La prière faite par le Christ au jardin en témoigne :
« Mon Père, s’il est
possible, que cette coupe (de douleurs et de souffrances que je dois boire pour
le salut des hommes) s’éloigne de moi : Matthieu
26,39. » Autrement dit : « Mon Père, s’il est
possible qu’une solution moins extrême, moins radicale, une solution qui
n’exige pas le sacrifice et le dépouillement si entier de ma personne, soit
trouvée, alors, épargne-moi. » Face à la réponse négative du Père,
Jésus dira :
Mon Père, s’il n’est pas possible
que cette coupe s’éloigne sans que je la boive, que ta volonté soit
faite : Matthieu 26,42. » Non !
Il n’était pas possible que la mort soit épargnée par Jésus. Parce que, pour
détourner ce courant qui allait emporter les hommes vers la destruction, il en
fallait un plus fort que lui : le courant de l’amour de Dieu.
La passion est aussi inflexible
que le séjour des morts.
Roméo, de la famille des
Montaigu, était tombé amoureux fou de Juliette, de la maison des Capulets. Pour
leur malheur, les deux clans se haïssaient par-dessus tout. Mais la passion qui
anime le jeune homme et la jeune fille est plus forte que tout. Par suite de
multiples péripéties, Roméo, croyant Juliette morte, préfèrera se suicider plutôt
que de continuer à vivre. Juliette, ayant appris la mort de Roméo, le suivra
peu de temps après dans le tombeau. La tragédie shakespearienne bien connue est
l’illustration de l’affirmation du Cantique des cantiques dans son sommet. Si
la mort est intraitable avec ses victimes, la passion amoureuse l’est tout
autant. Quel que soit le prix qu’il doit payer et les pressions qui s’exercent
sur lui, le cœur qui aime est inflexible. Il ne se relâchera pas ni ne se
détournera de l’objet de son affection jusqu’à ce qu’il ait atteint son but.
A de multiples reprises, l’Ecriture
témoigne de la menace funeste que représente l’approche de la mort pour les
justes. « Les liens de la mort m’avaient enserré, et les torrents
dévastateurs m’avaient épouvanté ; les liens du séjour des morts m’avaient entouré,
les pièges de la mort m’avaient surpris : Psaume
18,5-6. » Dans la circonstance, David ne devra son salut qu’au
secours divin : Il est intervenu d’en haut, il m’a pris, il m’a retiré
des grandes eaux, il m’a délivré de mon adversaire puissant, de mes ennemis qui
étaient plus forts que moi : Psaume 18,17-18. »
Seule la passion de Dieu pour David avait le pouvoir de le soustraire au
sort inéluctable qui l’attendait.
Ce n’est pas pour rien que l’on
nomme la souffrance rédemptrice vécue par Jésus, sa passion. Seule, en effet,
une passion inflexible le rendra capable d’aller au bout de sa volonté de salut
pour nous. Cette passion, nous la lisons, sur son visage tout au long de son
parcours jusqu’à la croix. Evoquant le sujet, Esaïe dira : « Je ne
me suis pas rebellé, ni esquivé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient
et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe, je n’ai pas caché mon visage
aux insultes et aux crachats. Cependant, le Seigneur est venu à mon aide. Voilà
pourquoi je ne me suis pas laissé atteindre par les insultes, voilà pourquoi
j’ai rendu mon visage dur comme une pierre… : Esaïe
50,5 à 7. »
Quelqu’un a noté avec justesse
que, du prétoire à la croix, jamais nous ne voyons Jésus baisser la tête. Pour
qu’il soit un sacrifice puissant et victorieux sur la mort, il fallait que l’engagement
de Jésus soit total, volontaire et déterminé. Cette détermination du Christ se
lit sur sa face, lorsqu’il choisit d’aller à Jérusalem au-devant de son destin :
« Lorsque le temps où il devait être enlevé du monde approcha, Jésus
prit la résolution de se rendre à Jérusalem : Luc
9,51. » Littéralement, on pourrait traduire : Jésus
fixa son visage de façon solide. La
passion inflexible de Jésus a eu raison du courant puissant de la mort qui
devait nous anéantir. C’est grâce à elle que nous vivons. Qu’à jamais, nous lui
en rendions grâces dans l’éternité !
Ses ardeurs sont des ardeurs de
feu, une flamme de l’Eternel.
Il n’est étrange pour aucun
lecteur de l’Ecriture que la mort soit comparée à un feu ardent qui consume les
rebelles. Jésus lui-même, jugeant les damnés, situe le lieu de leur séjour dans
le feu éternel préparé à l’origine par Dieu pour le diable et ses anges : Matthieu 25,41. Ce qui est plus singulier est l’idée que l’ardeur de la passion
amoureuse brûle de la même flamme. Comment comprendre ces choses ?
Il n’est pas rare que, pour décrire Dieu, la Parole utilise l’image du feu. Alors que Moïse était dans le désert, il vit un buisson ardent en feu qui ne se consumait pas. S’approchant, il entendit une voix qui lui ordonna d’ôter ses souliers de ses pieds, car il se tenait sur une terre sainte : Exode 3,5. Pour que le feu de Dieu ne lui fasse pas de mal, Moïse devait respecter deux conditions : ne pas souiller le lieu où il se manifestait et se tenir à une distance raisonnable, salvatrice du feu de Dieu. Le feu de Dieu, par lequel Dieu s’est révélé à Moïse sans lui faire aucun tort, est le même qui est mentionné par Esaïe comme celui qui brûlera dans la géhenne les damnés : « Les pécheurs sont effrayés dans Sion, un tremblement saisit les impies : qui de nous pourra rester auprès d'un feu dévorant ? Qui de nous pourra rester auprès de flammes éternelles ? : Esaïe 33,14. »
Nous ne le saurons qu’au jour où nous serons dans l’éternité. Mais il n’est pas impossible que le feu de l’amour saint de Dieu, qui réchauffera le cœur des élus en éternité, soit le même qui consumera les perdus. Il y aurait là comme les deux faces d’une même réalité dans des applications contraires. Ecoutons ce que dit à ce sujet Norman Grubb, le neveu de Charles Studd :
« Le feu tel que nous le voyons dans le soleil, est la source de toute vie sur la planète. En soi, il est une puissance terrible de destruction. Si l’on viole les lois de la nature en l’approchant de trop près, on en est puni par la souffrance et la destruction. Et pourtant de cette source embrasée rayonnent toutes les merveilles et toutes les beautés, les couleurs et la chaleur de la lumière douce et bienfaisante. Sans feu, pas de lumière. Sans lumière, pas de vie sur la terre, car la lumière pénètre dans la nature entière pour la vivifier, nourrir, donner couleur et forme à toute chose… A côté du royaume de Dieu, s’est constitué par la révolte un autre royaume, celui du mal et du moi. Ce royaume est l’envers de celui de Dieu… Le royaume du moi se caractérise par des égos coupés de leur source. Ce sont des égos qui veulent être leur propre fin et satisfaire leurs convoitises. Le royaume du moi et du mal est un royaume rebelle à Dieu. C’est un royaume qui viole les lois éternelles de Dieu et qui se brûle au contact de sa volonté.
Le feu vengeur
de l’enfer fait partie de Dieu, c’est une partie intégrante inéluctable de Sa
nature, car ce sont exactement les mêmes flammes qui brûlent dans l’amour au
céleste royaume. Si Lucifer et ses armées, puis les hommes séduits par lui, ne
s’étaient pas détournés du royaume de la lumière de Dieu vers le royaume de son
feu, nul n’aurait jamais connu ni éprouvé le caractère féroce et infernal de
ces flammes… Ceux qui sont dans l’étang de feu ne connaissent pas Dieu comme la
douce et bienfaisante lumière du ciel, mais comme le feu originel caché, au
sein duquel ils ont pénétré indûment. Ils ont plongé les mains dans le feu au
lieu de se réchauffer à sa lumière… Le ciel et l’enfer sont en réalité les deux
faces d’un même élément éternel : feu consumant de la vie qui est la
nature de Dieu, qui brûle dans l’amour ou la colère, suivant que nous plongeons
nous-mêmes dans l’un ou dans l’autre.[1] »
Les grandes eaux ne pourront pas éteindre l’amour,
ni les fleuves le submerger
Même si un homme offrait tous les biens de sa
maison contre l’amour, il ne s’attirerait que le mépris
[1] Norman
Grub : la loi de la foi : Edition Mission et Réveil (1969)
[2] Timothy
Keller : la souffrance : Editions Clé
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