J’étais endormie, mais mon cœur
veillait.
Le 4ème acte de la
pièce qui se joue dans le cantique des cantiques s’ouvre sur une scène
identique au second. Après avoir été le centre de l’attention d’une foule en
liesse pour le mariage de Salomon, la jeune fille se retrouve seule avec
elle-même dans sa chambre. C’est à la fois pour elle un moment de repos et de
veille. Elle est endormie, mais elle n’est pas plongée dans un profond sommeil.
Son cœur veille. Il passe et repasse tout ce qui a été vécu dans la journée et
s’interroge. Que va-t-il se passer maintenant pour elle ? Son sort
programmé est-il inéluctable ? Si l’élu de son cœur est l’objet de ses
pensées, elle sait qu’il en est de même pour lui. Ne l’a-t-il pas prouvé, dans
le passé, en franchissant montagnes et collines pour venir la rejoindre ?
Quoique la volonté de Salomon semble la plus forte, elle n’est pas souveraine. Il
n’a aucun pouvoir sur le bien-aimé, comme il ne peut forcer la jeune fille à l’épouser.
Plutôt que la résignation, c’est l’attente qui habite son cœur. Non ! Les
dès ne sont pas jetés, la partie n’est pas finie. Tant que le mariage n’est pas
conclu, tout est encore possible.
La position de la jeune fille est
celle de nombreux croyants qui sont dans le monde. Prisonniers de certaines
situations qui paraissent insolubles, ils ne sont pas pour autant sans espoir. La
foi en Dieu leur donne de vivre les impasses apparentes dans lesquelles il se
trouve dans l’attente de sa venue, de son intervention en leur faveur. Daniel
et ses trois amis, déportés à Babylone, en ont fait l’expérience. Dieu n’était
pas loin d’eux dans ce pays étranger, mais avec eux. Il les a secourus de mille
et une manières. Ce qui aurait pu se finir de manière tragique pour eux s’est
mué en un scénario salutaire et glorieux. Leur témoignage nous enseigne que,
quelles que soient les circonstances, le sort de l’enfant de Dieu n’est jamais
scellé. Dieu est là pour le fortifier dans sa foi, dans l’attente du jour de la
délivrance. Que cette certitude renouvelle l’espoir de tous ceux dont le cœur est
près de défaillir !
C’est la voix de mon bien-aimé !
Isolée dans sa chambre, la jeune
fille n’en est pas pour autant inatteignable. Alors qu’elle somnole sur son
lit, la voix de son bien-aimé se fait entendre. Il se tient là tout près d’elle
et frappe à la porte. Il la sollicite de nouveau pour un rendez-vous intime.
Cet accès du bien-aimé dans ces circonstances est porteur d’un grand espoir. Il
témoigne du fait qu’il n’y a pour lui aucun mur qui soit un obstacle suffisant
pour qu’une communication ne soit établie avec l’élue de son cœur. Où se trouve
celle-ci ? Nous ne le savons pas ! La proximité des filles de
Jérusalem laisse à penser qu’elle loge dans le palais de Salomon. La prison
dorée qu’il lui a préparée n’est pas une forteresse inviolable. Par des moyens
qui ne sont connus que de lui seul, le bien-aimé a pu y avoir accès pour le
réconfort et la plus grande joie de sa belle.
De nombreux croyants, soumis à l’enfermement,
ont connu dans leur relation avec Dieu une expérience similaire à la jeune
fille. Barricadés dans une cellule, ils ont vécu le fait que les échos de la
voix de Dieu leur parvenait au cœur même de leur solitude. La parole de Dieu
n’est jamais muselée. Elle ne peut jamais, malgré les barreaux et les verrous,
être tenue à distance du peuple de Dieu. Par elle, c’est la présence
réconfortante et rassurante de Dieu lui-même qui se fait proche de lui. Aujourd’hui
encore, partout dans le monde, la voix de Dieu transforme les geôles du
désespoir en lieux secrets d’intimité avec lui. L’extrait suivant du livre de
Richard Wurmbrand, « Mes prisons avec Dieu », en témoigne avec
force :
« J’appris peu à peu que sur
l’arbre du silence pousse le fruit de la paix. Je commençais à prendre
conscience de ma vraie personnalité, et à être sûr qu’elle appartenait au
Christ. Je découvris que même dans cette cellule, mes pensées et mes sentiments
se tournaient vers Dieu et que je pouvais passer nuit après nuit en prières,
exercices spirituels et louanges. Je savais à présent que je ne jouais pas la
comédie mais que je croyais à ce que je croyais… Retrouvant la liberté après 14
années d’emprisonnement, Richard Wurmbrand dit qu’il eut l’impression en
quittant ce monde carcéral où il fit de puissantes expériences spirituelles au
milieu de ses souffrances, que c’était comme redescendre de la montagne de
Dieu.[1] »
Il frappe :
« Ouvre-moi, ma sœur, mon amie, ma colombe, ma parfaite, car ma tête est
couverte de rosée, mes boucles sont pleines des gouttelettes de la nuit. »
Alors que la jeune fille est douillettement installée sur son lit, son bien-aimé frappe à sa porte et la presse de lui ouvrir. Son insistance tient à deux choses. La première est le désir intense qu’il a d’être avec elle. Son amour pour elle est la raison de sa venue. Pour la rejoindre, il a une nouvelle fois délaissé son troupeau et franchi collines et montagnes. Il désire aussi que sa belle lui ouvre la porte pour une autre raison plus prosaïque. Pour venir vers elle, le bien-aimé a dû endurer les rigueurs d’une nuit froide passée à la belle étoile. Sa tête est encore couverte de la rosée nocturne et ses cheveux des gouttelettes d’eau qui l’ont trempé. L’amoureux est transi et a besoin de se réchauffer.
Alors que nous jouissons de l’amour
quotidien de Christ, notre Bien-aimé, gardons-nous d’oublier le prix que
celui-ci a payé pour nous rejoindre. Notre communion avec lui n’a rien de
naturel. Elle est le fruit des nombreux sacrifices endurés par notre Sauveur. Existant
en forme de Dieu, il s’est dépouillé de sa condition divine pour adopter celle
de l’homme. Devenu homme, il s’est fait le serviteur de tous. Il s’est ensuite
humilié jusqu’à s’identifier au plus infâme et mourir sur la croix à notre
place : cf Philippiens 2,5 à 11. Il a subi
pour nous les rigueurs d’une nuit de ténèbres et de solitude incomparables. Quelle
réponse apportons-nous à son désir de communion avec nous ?
J’ai enlevé mon habit. Comment
pourrais-je le remettre ? J’ai lavé mes pieds. Comment pourrais-je les
salir ?
Pour la seconde fois, malgré l’amour
qu’elle dit porter à son bien-aimé, la jeune fille fait preuve d’une mollesse
incompréhensible à l’égard de son appel. Au lieu de se précipiter à la porte
pour lui ouvrir, elle se met à chicaner au sujet de détails qui n’ont pas leur
place dans la romance de leur amour. « Elle s’est déjà préparée pour
dormir, dit-elle. Devra-t-elle se rhabiller ? Elle a lavé ses pieds pour
se coucher. Lui faut-il de nouveau les salir ? » Nous ne pouvons qu’imaginer
la déception et la tristesse du bien-aimé à l’écoute de telles hésitations !
Ne mesure-t-elle pas à quel point elles sont incongrues et déplacées ? Que
dirait-elle de lui si, comme justification de son absence, il aurait tenu de
tels propos ? Pour la rencontrer, il n’a pas regardé le prix à payer. Il a
été prêt à passer des nuits dehors. Ses pieds ont parcouru de grandes distances.
Ils ont foulé des terrains difficiles et portent encore la marque de la fatigue
qu’ils ont enduré. Leurs blessures, la poussière qui les recouvrent sont le
témoignage de son amour pour elle. Aucune délicatesse ne devrait entrer en
ligne de compte comme réponse à un tel engagement.
La réponse sidérante de la jeune
fille à l’invitation de son bien-aimé interpelle sur plusieurs points. Elle met
en évidence trois réalités inhérentes à l’humain. La première est l’ambivalence
de son cœur. Capable d’une fermeté admirable à l’égard de Salomon, son
courtisan, la bien-aimée fait preuve l’instant d’après d’une tiédeur choquante
envers l’élu qu’elle chérit. La réaction de la bien-aimée brise le romantisme
de l’amour et met en lumière le caractère inconstant du cœur humain. « Je
suis tout à toi », peut-il s’écrier dans un élan d’amour… pour dire
quelques minutes plus tard : « Mais je ne vais pas me salir les pieds
pour te voir ! » Si poétique soit le cantique des cantiques, il n’oblitère
pas la vérité sur le caractère tortueux de la nature humaine. Celle-ci est et
sera toujours décevante, en-dessous de ce qu’on espérait d’elle. La réaction
imprévisible de la jeune fille souligne ensuite le caractère mesquin de nos
excuses égoïstes face à l’amour altruiste dont nous sommes l’objet de la part
de Dieu. Jésus le souligne à plusieurs reprises dans les Evangiles. Nul
prétexte affectif n’a de valeur qui justifie le refus de le suivre : Luc 9,57 à 62. Répondre à Jésus que nos petites
affaires sont plus importantes que l’amitié qu’il nous propose, c’est faire
preuve d’un mépris ouvert envers sa personne. Le refus de la jeune fille de
quitter sur le champ le confort douillet de sa chambre pour ouvrir la porte à
son bien-aimé témoigne de son ingratitude envers lui. Ce manque de
reconnaissance est, selon Paul, le péché qui est à la racine de tous les
égarements et de toutes les idolâtries : Romains
1,21. Les élus de Dieu ne sont pas meilleurs que les autres hommes. Ils
ont juste le privilège d’être l’objet de l’amour d’un Dieu fidèle qui ne se
rétractera pas dans ses engagements envers eux.
Mon bien-aimé a passé la main par
la fenêtre (ou par une ouverture) et j’ai été bouleversée à cause de lui.
Après avoir fourni tant d’efforts
pour rejoindre sa bien-aimée, le bien-aimé ne peut se satisfaire de ses
scrupules. Son désir d’être avec elle est plus fort que ses réticences. Il le
lui fait savoir en passant sa main dans l’ouverture de la porte pour lui
signifier sa volonté qu’elle en ôte les verrous. « Les habitations
privées étaient équipées d’un dispositif plus sommaire pour leurs portes d’entrée
que celles des villes. En général, des broches coulissantes s’encastraient dans
les trous correspondants dans la barre, d’où la nécessité d’une clé pour les
libérer. De taille variable, celle-ci était souvent assez grande pour être
portée sur l’épaule. Afin d’ouvrir la porte depuis l’extérieur, on insérait la
clé dans le trou de la porte, qui était suffisamment grand pour qu’une main
puisse y passer.[1] »
Jusque-là, la bien-aimée n’avait entendu que la voix du bien-aimé. Mais
maintenant qu’elle voit sa main, qui s’aventure à l’intérieur de sa chambre pour
débloquer la situation, son cœur en est bouleversé. Par son geste, le bien-aimé
le lui fait savoir. Pour être avec elle, il est prêt à surmonter tous les
obstacles : ceux qui se présentent à lui à l’extérieur, et ceux qui sont à
l’intérieur d’elle. L’amour qu’il a pour elle est plus fort que tous les
verrous. Il ne forcera pas son cœur, mais il ira, pour le gagner, aussi loin
que la liberté le lui permet.
La persévérance du bien-aimé n’a
d’égal que celle du Seigneur à notre sujet. Car il le sait ! Pour gagner
notre cœur, il ne lui suffit pas de réduire la distance physique qui nous
sépare de lui en devenant homme. Il doit aussi agir à l’intérieur de
nous-mêmes. La forteresse de notre cœur ne lui est pas inaccessible. Dans sa
prescience, Dieu, en le créant, y a prévu un accès par lequel sa main peut s’infiltrer
pour en faire sauter les verrous. C’est par l’action coordonnée de notre
volonté et du Saint-Esprit que la communion avec Christ s’établit en nous par l’ouverture
à son amour. Tout changement profitable dans nos vies ne peut se passer de
notre accord. Mais il faut toute la patience et la persévérance de Dieu pour le
gagner à ses desseins. La main de Dieu seul a le pouvoir de libérer les serrures
des portes derrière lesquelles notre être est enfermé. Marquée par les clous de
la croix, elle remue et bouleverse notre cœur confondu par tant de passion. Que,
pressé par ton amour, ô Dieu, nos cœurs se donnent à toi sans réserve !
J’ai commencé à ouvrir à mon
bien-aimé, et de mes mains a perlé la myrrhe, de mes doigt la myrrhe a coulé
sur la poignée du verrou.
Sollicitée par la main de son
bien-aimé, pénétrant dans la chambre où elle se trouve par l’ouverture spéciale
faite dans la porte, la jeune fille ne tergiverse plus. Elle s’approche de
l’entrée pour joindre à son geste le sien et défaire un à un les verrous qui la
barricadent. Se faisant, ses mains s’imprègnent de myrrhe, le parfum typique de
son bien-aimé. Il n’est pas encore là mais, déjà, l’odeur de sa présence se
fait sentir. Perceptible par les sens, elle est une invitation qui presse la
jeune fille de se hâter de finir ce qu’elle a entrepris.
Le bien-aimé, pour rejoindre
l’élue de son cœur, s’est d’abord déplacé jusqu’au lieu où elle se trouve. Puis,
il s’est adressé à elle par la voix. Il a glissé sa main à l’intérieur de sa
chambre, ce qui a eu pour effet de répandre son parfum sur elle. La description
détaillée de tous ces éléments, jouant dans la décision de la bien-aimée de lui
ouvrir toute grande les portes de son intimité, nous rappelle que l’œuvre de
Dieu pour gagner nos cœurs se compose de multiples éléments. Dieu sait de quoi
nous sommes faits. Il sait à quoi nous sommes sensibles et ce qui a le pouvoir
de nous éveiller à son amour. La Parole est toujours première dans le processus
qui nous conduit à la foi : Romains 10,17.
Mais elle n’est pas une parole froide, désincarnée, un message uniquement
cérébral. Elle est une parole vivante, accompagnée du parfum de son odeur :
2 Corinthiens 2,15. C’est une parole qui remue
notre être jusque dans son tréfonds, et le rend agréable à nos sens spirituels.
La raison, certes, est décisive, mais l’émotion n’est pas absente pour autant. La
prédication de l’Evangile doit être construite. Elle doit présenter avec clarté
les éléments à partir desquels la foi va s’enraciner. Mais la prédication doit
aussi toucher le cœur. Elle doit faire sentir à celui qui l’entend combien Dieu
est bon, désirable pour son âme : Psaume 34,9.
C’est là ce qui poussa la bien-aimée, avec le son de sa voix, à ouvrir la porte
à son bien-aimé.
J’ai ouvert à mon bien-aimé, mais
mon bien-aimé s’était retiré, il avait disparu.
Comme dans son premier rêve, la
bien-aimée a la surprise de ne trouver personne derrière la porte lorsqu’elle eut
fini de tout déverrouiller pour l’ouvrir. Le peu d’empressement qu’elle a mis
au départ en est la cause. Il faut que la bien-aimée en souffre, car c’est la
seule manière pour elle de comprendre la souffrance que sa lenteur a causé à
son bien-aimé. Le bien-aimé agit envers elle comme elle s’est conduite envers
lui. Il la déçoit pour qu’elle saisisse à quel point ses hésitations, sa
tiédeur le blessent. La façon d’agir du bien-aimé ne ressort pas de la
vengeance. Elle est didactique. Ella pour but de communiquer à l’élue de son cœur
un message. Ce message est que l’amour est une passion qui ne souffre aucune
altération. Aimer, c’est se donner sans réserve à l’autre. C’est faire passer
le bonheur et le plaisir que l’on offre à l’autre avant toute considération
personnelle. Aimer, c’est remplacer le « moi d’abord » par le « toi
en premier » : cf Luc 9,59 à 62. C’est
pour que cette priorité, qui est à la source de l’incarnation du Fils de Dieu,
devienne la nôtre que Dieu nous fait certaines fois passer par la discipline de
la déception. Nous goûtons le fruit amer de son absence pour que nous
apprenions une fois pour toutes dans nos vies qu’un jour dans sa présence vaut
mieux que mille ailleurs : Psaume 84,11.
Que nos cœurs soient tout entiers pour toi, ô Dieu !
Je perdais tous mes moyens
pendant qu’il parlait ! Je l’ai cherché, mais je ne l’ai pas trouvé. Je l’ai
appelé, mais il n’a pas répondu.
Le sens de la 1ère phrase,
qui exprime le désarroi de la jeune fille face à l’absence de son bien-aimé, n’est
pas certain. Exprime-t-elle le bouleversement intérieur qu’elle a vécu à l’écoute
de sa voix ? Ou l’émotion qu’elle ressent pour n’avoir pas répondu à sa
demande aussi vite qu’espéré ? Quelle que soit la réponse, le trouble qui
s’est emparé d’elle l’oblige à faire ce à quoi elle était réticente. Elle qui s’était
déshabillée pour la nuit se rhabille. Elle qui s’était lavée les pieds est
prête à les salir de nouveau pour se mettre à la recherche de l’élu de son cœur.
L’absence de son bien-aimé la pousse à entreprendre une démarche qu’elle
hésitait à faire lorsqu’il était présent. Elle méprise le confort qui la
retenait par des liens agréables pour se lancer dans une expédition peu sûre pour
le trouver. La réaction de la bien-aimée souligne le danger qui nous guette
lorsque nous nous habituons à la proximité de notre Seigneur. Parce qu’il est
là, nous ne réalisons plus à quel point sa présence nous est précieuse. Nous
nous acclimatons si bien à l’ineffable que celui-ci perd à nos yeux son
caractère gracieux. Dieu use alors du seul moyen efficace qu’il possède pour
nous amener à considérer de nouveau la valeur inestimable de son amour. Il s’efface
pour un temps à notre cœur qui, immédiatement, plonge dans le désarroi[1].
Y-a-t-il en effet plus grande angoisse, pour l’enfant de Dieu, de chercher son
Dieu et de ne pas le trouver, de l’appeler et de ne recevoir aucune réponse ?
« Pourquoi, Eternel, te tiens-tu éloigné ? Pourquoi te caches-tu
dans les moments de détresse ? : Psaume 10,1. »
N’est-ce pas pour nous guérir de nos négligences ?
Ce sont les gardes qui font la
ronde dans la ville qui m’ont trouvée. Ils m’ont frappée, ils m’ont blessée,
ils m’ont enlevé mon châle, les gardes des murailles.
Sortie de son appartement, la
jeune fille fait, comme la 1ère fois, la rencontre des gardes de la
ville chargés de veiller à sa sécurité. Si ceux-ci s’étaient alors contentés de
répondre à ses questions : 3,3, ce n’est
plus le cas ici. Que la jeune fille se montre imprudente et étourdie une fois,
cela peut passer. Mais qu’elle répète cette conduite qui la met en danger, les
gardes ont estimé que cela valait une correction. La ronde des gardes de la
ville vise un objectif. Ils sont les sentinelles qui la protègent des ennemis
extérieurs. Se déplaçant sur la muraille, ils sont les yeux et les oreilles de
la cité endormie. Il peut leur arriver de temps en temps de faire une rencontre
incongrue. Un citoyen qui devrait être dans sa maison se promène hors de sens
seul la nuit. La plupart du temps, un avertissement de leur part suffit à le
ramener à la raison. La récidive d’un tel comportement mérite une sanction plus
forte. Puisque la parole n’a pas suffi, le récalcitrant apprendra par la
souffrance à réformer sa conduite. De son point de vue, la jeune fille ne
faisait pas de mal. Elle était juste à la recherche de son amoureux. Du point
de vue des gardes, sa présence en ce lieu à une heure si tardive la fait passer
pour une courtisane. Ils la traiteront donc comme telle, en lui arrachant le grand
châle qui cachait son physique aux yeux des hommes. Il se peut que, face à
cette agression, la jeune fille ait protesté au sujet de ce malentendu. Cependant,
elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle, et à la tiédeur initiale dont elle a
fait preuve à l’égard des appels amoureux de son bien-aimé.
« Mon fils, dit l’Ecriture,
ne méprise pas la correction du Seigneur et ne perds pas courage lorsqu’il te
reprend. En effet, le Seigneur corrige celui qu’il aime et il punit tous ceux
qu’il reconnaît pour ses fils… Nos pères nous corrigeaient pour un peu de
temps, comme ils le trouvaient bon, tandis que Dieu le fait pour notre bien,
afin que nous participions à sa sainteté : Hébreux
12,5 et 10. » Livre de l’amour, le cantique des cantiques
n’élude pas la question de la correction. Il suit à ce propos l’ensemble de l’Ecriture
sur le sujet. Oui ! La punition éducative fait partie des voies divines exprimant
son amour. Celle-ci peut prendre différentes formes. Elle se fait dans l’Eglise
au travers de la discipline fraternelle, et au-dehors par les réactions des
incroyants face à nos inconséquences. Quoi qu’il en soit, les humiliations que
Dieu permet sont pour notre bien. Elles visent notre salut et notre progrès
dans le chemin de la justice et de la sainteté. Que Dieu nous donne d’en
comprendre les raisons !
Je vous en supplie, filles de Jérusalem, si vous trouvez mon bien-aimé, que lui direz-vous ? Que je suis malade d’amour.
La sortie nocturne de la jeune
fille s’étant soldée par un échec (elle n’a pas, comme la 1ère fois,
retrouvé son fiancé), et une humiliation (elle a été agressée par les gardes),
elle charge dans son désarroi les jeunes filles de la ville de porter un
message à son bien-aimé, au cas où elles le croiseraient. Elles doivent lui
faire savoir à tout prix combien elle souffre, à en être malade, de l’amour qu’elle
ressent à son sujet. Le message qu’elle veut faire entendre à son bien-aimé
témoigne du caractère payant de la stratégie qu’il a suivie. Il n’y a qu’une façon
pour Dieu de nous guérir de la nonchalance de nos cœurs à son égard. Il faut
que la douleur de l’absence soit plus forte que les sensations agréables de la
tiédeur. Il faut que notre être apprenne que nous avons plus à perdre à être
coupé de Dieu que de jouir de tout ce que la vie peut nous offrir sans lui. Il
y a des maladies qui, dans notre relation avec Dieu, ont pour but de nous
guérir de maux plus graves. Que Dieu nous donne le discernement pour le
comprendre !
5,9 : les
filles de Jérusalem
Qu’a-t-il de plus qu’un autre, ton bien-aimé, toi la plus belle des femmes ? Qu’a-t-il de plus qu’un autre, ton bien-aimé, pour que tu nous supplies de cette manière ?
Au vu de tous les risques et de
toutes les folies dont la jeune fille est prête pour retrouver son bien-aimé,
la question des filles de Jérusalem est légitime. Seul un être d’une préciosité
unique vaille que la passion que l’on éprouve pour lui mette hors de sens ceux
qui se sont entichés de lui. Ce qu’est le bien-aimé pour la jeune fille est ce
que sera Jésus pour nombre de ses disciples. Pour lui, des pécheurs n’hésiteront
pas à braver toutes les convenances et les interdits pour lui signifier leur
amour. Au risque de choquer son hôte et ses invités, une pécheresse entrera
dans la maison de Simon le pharisien pour pleurer, mouiller les pieds de Jésus,
puis les essuyer et verser du parfum sur eux : cf Luc
6,36 à 38. Suscitant l’indignation de Judas Iscariot, Marie de Béthanie choisira
de gaspiller un parfum de nard pur de grand prix pour oindre son Sauveur adoré :
cf Jean 12,1 à 8. Pour lui, d’autres délaisseront des métiers prometteurs, quitteront père, mère et patrie pour le servir au
loin, finiront martyrs pour ne pas le renier… Le prix que nous sommes prêts
à payer pour suivre notre Seigneur témoigne de la valeur qu’il a pour nos cœurs.
Qu’a Jésus de plus qu’un autre ?
Un court recensement de ses qualités suffit à le démontrer ! En
Jésus-Christ, nous avons :
-
Un fondement inébranlable
-
Un amour insondable
-
Une vie impérissable
-
Une justice inattaquable
-
Une paix insurpassable
-
Un repos véritable
-
Une joie durable
-
Une espérance incomparable
-
Une gloire admirable
-
Une lumière ineffable
-
Une force insurmontable
-
Une pureté inaltérable
-
Une beauté inflétrissable
-
Une grâce adorable
-
Une miséricorde inépuisable
-
Une sagesse immuable
-
Un modèle inimitable
-
Des ressources intarissables
-
Des richesses incalculables
-
Des bénédictions innombrables
Oui ! Jésus-Christ, notre
bien-aimé est inégalable !
Mon bien-aimé est blanc et
vermeil, on le remarque au milieu de dizaine de milliers.
Interrogée au sujet de ce qu’elle
trouve à son bien-aimé de supérieur aux autres, la jeune fille ne se fera pas
prier pour répondre. Elle va livrer l’un des seuls poèmes qui nous soit parvenu
de l’Antiquité à propos des qualités recherchées par une femme chez un homme. L’homme
que la femme admire est celui qui se distingue entre tous. C’est un homme remarquable
pour la beauté de sa personne. Tout son être possède un charme qui la séduit.
Un tel homme est, à ses yeux, rare, voire unique. C’est pourquoi elle désire
être à lui. Car elle sait qu’elle ne trouvera pas mieux en-dehors de lui.
Le portrait que dresse la jeune
fille de son bien-aimé est conditionné par l’amour qu’elle éprouve pour lui. Il
est possible que, pour les jeunes filles de Jérusalem, le jeune homme dont elle
parle n’ait que peu d’attrait à côté de Salomon. S’il est une personne qui soit
au-dessus du lot, c’est lui et non le berger dont la jeune fille s’est
amourachée. L’amour seul possède cette alchimie qui a le pouvoir de changer ce
qui est commun en quelque chose de précieux. C’est cet amour qui, dans notre cœur,
nous conduit aussi à considérer le Crucifié de Golgotha comme le plus beau des
fils de l’homme : Psaume 45,3. Naturellement,
nous le concevons, il n’a ni beauté, ni splendeur pour attirer le regard :
Esaïe 53,2. Mais, au-delà de l’apparence, l’Esprit
a fait briller dans nos cœurs le portrait d’un être à qui nul ne ressemble.
Aussi, sommes-nous convaincus. Notre être a trouvé celui auquel notre âme aspirait,
le Parfait, l’Excellent. Et nous n’échangerions contre rien le privilège d’être
l’objet de son amour.
Sa tête est d’or pur. Ses boucles
sont flottantes, noires comme le corbeau.
Dès ses premiers mots, la jeune
fille met, pour décrire son bien-aimé, l’accent sur les couleurs. L’élu de son
cœur lui apparaît blanc et vermeil. Sa tête est comme l’or pur et ses cheveux
bouclés d’un noir profond. La jeune fille n’a pas le jeune homme devant elle.
Aussi, c’est par souvenir qu’elle le raconte. La description qu’elle en fait
témoigne de ce qui l’a frappé et de ce qui, comme elle l’a dit, le distingue
entre mille. Les couleurs nettes qu’elle utilise pour parler de lui témoignent
de ce qui l’attire vers lui. Le bien-aimé est un être entier, sans altération.
De son être émane une pureté et une candeur immaculées. Les pensées qui
viennent de son esprit sont d’une richesse qui équivaut au métal le plus
précieux. La couleur et l’ondulation de ses cheveux ressemblent aux panicules[1]
de certaines variétés de palmiers. Ils évoquent la droiture et la justice de
son caractère. Par les comparaisons qu’elle emploie, la jeune fille montre que
ce n’est pas l’apparence qui fait la beauté de son bien-aimé, mais son être, sa
personne.
Alors que Jean a connu Jésus
homme, il a plu à Dieu de lui donner la vision de l’Etre véritable qu’il est
depuis son ascension. « Si nous avons connu Christ de manière purement
humaine, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi, dit Paul : 2 Corinthiens 5,16. » Le portrait de Christ
que reçoit Jean est aussi coloré. Sa tête et ses cheveux sont blancs comme de
la laine blanche, comme de la neige : Apocalypse
1,14. Ils évoquent à la fois la sagesse, la pureté et l’éternité. A
l’instar de ces deux exemples, posons-nous la question suivante : si nos
amis devaient nous décrire par des couleurs, lesquelles choisiraient-ils pour
nous dépeindre ? Le gris de la tristesse et de la banalité ? Le jaune
éclatant de la joie et du sourire ? Le rose de l’innocence ? Ou les
couleurs criardes du tourment et de la colère ? Que, dans sa grâce, Dieu
nous donne de ressembler de plus en plus aux teintes de la personnalité de
Jésus !
Ses yeux sont pareils à des
colombes au bord des ruisseaux : ils baignent dans le lait, ils reposent
au sein de l’abondance
Admirative du visage de son
bien-aimé, la jeune fille s’arrête en particulier sur ses yeux. L’image qu’elle
utilise pour les décrire est la même que celle du jeune roi pour les siens : Cantique 4,1. Les yeux de son bien-aimé évoque l’innocence
de la colombe. Reflets de son âme, ils ne dégagent rien d’agressif, de
tourmenté ou de violent. Ils respirent la satisfaction d’un être sevré, en paix
avec lui-même et content : Psaume 131,2.
Bien que simple berger, le bien-aimé ne connaît pas la crainte. Il n’a pas
besoin pour sa protection d’une multitude de guerriers comme Salomon : Cantique 3,7. Il vit dans la liberté de ceux qui savent
que leur sort n’est pas dans la main de l’homme, mais de Dieu. Cette sérénité
du cœur se traduit dans le regard. Il offre à la bien-aimée l’assurance d’une
sécurité plus grande que celle d’une armée. C’est pourquoi elle désire vivre sous
ses ailes, à son ombre. Le berger est pour elle un abri meilleur et plus sûr
que les palais du roi.
La quiétude tranquille qui se
dégage des yeux du bien-aimé évoque le repos que Dieu offre à tous ceux qui
cherchent en lui leur refuge. Les psalmistes en témoignent à plusieurs reprises :
rien ne procure davantage de paix au cœur que le sentiment d’être à l’abri du
Très-Haut : Psaume 17,8-9 ; 57,1-2 ; 61,4 ;
90,1 à 4 ; 91,4. L’Etre de Dieu ne saurait être pris de panique par
qui ou quoi que ce soit. Il est le Dieu souverain qui a autorité sur tout et
sur tous. Qui vit dans sa proximité n’a à craindre aucun danger.
Ses joues sont comme un parterre
d’aromates, ce sont des amas d’épices. Ses lèvres sont des lis d’où coule la
myrrhe
Après les couleurs, c’est aux saveurs
que la jeune fille fait appel pour décrire ce qu’évoque le visage de son
bien-aimé. Il est des personnes dans le monde qui laissent, à leur contact, un
goût âcre, déplaisant. Leurs interlocuteurs n’ont qu’une envie : ne plus
avoir de relation avec elles. D’autres ont une personnalité si fade qu’elles n’offrent
aucun intérêt à être côtoyées durablement. Il n’en est pas ainsi du bien-aimé
pour l’élue de son cœur. Sa proximité l’enchante comme des épices le palais. A
son contact, toutes les papilles de l’âme se dilatent pour capter l’arôme qu’exhale
son être. Chaque rencontre est comme un plat nouveau, agrémenté de nouvelles
épices. Le souvenir de la précédente n’est pas encore estompé que, déjà, celle
en cours la submerge de ses effluves.
Beaucoup de non-croyants se
demandent au fond d’eux ce que nous trouvons de si agréable et de si exaltant
dans la piété. La raison de leur étonnement tient à une seule chose :
aucun d’eux n’a goûté à quel point le contact avec le Seigneur est bon : 1 Pierre 2,3. Toute la Parole de Dieu témoigne des
délices qu’est pour l’âme la communion avec Dieu. « Pourquoi, demande
Esaïe, pesez-vous de l’argent pour ce qui ne nourrit pas ? Pourquoi
travaillez-vous pour ce qui ne rassasie pas ? Ecoutez-moi donc, et vous
mangerez ce qui est bon. Et votre âme se délectera de mets succulents : Esaïe 55,2 ; cf Psaume
63,5. » Le vrai disciple ne Christ ne connait rien du caractère
écrasant et rébarbatif de la religion. Porté par l’amour infini de son Bien-aimé,
son âme savoure les bienfaits quotidiens de sa présence. La joie qui l’habite
est la meilleure invitation à voir et sentir combien le Seigneur est bon :
Psaume 34,8. Que chaque jour notre être témoigne
de la satisfaction que nous trouvons en lui !
Ses mains sont des anneaux d’or
garnis de chrysolites. Son ventre est d’ivoire poli, couverts de saphirs. Ses
jambes sont des colonnes de marbre posées sur des bases en or pur.
Après le visage, la jeune fille
évoque l’impression qu’exerce sur elle le corps de son bien-aimé. Pour se
faire, la seule métaphore qui convient à ses yeux est celle des pierres
précieuses les plus magnifiques : or pur, chrysolithe, saphir, ivoire,
marbre… La jeune fille ne voit aucun défaut, aucune tare ni disgrâce chez l’élu
de son cœur. Tout ce qu’il est, est empreint d’une beauté glorieuse et respire
la perfection. La référence faite ici aux pierres précieuses ne relève pas du
hasard. Elle se situe dans la lignée d’une utilisation biblique décrivant le
sublime et le parfait. Leur première mention se trouve dans le livre de l’Exode,
à propos du pectoral que devait porter le grand prêtre. Douze pierres
précieuses y étaient enchâssées représentant les douze tribus d’Israël : Exode 28,15 à 21. Elles imageaient la valeur qu’avait
le peuple de Dieu à ses yeux. On les retrouve plus tard sous la plume d’Ezéchiel
décrivant la beauté magnifique d’une créature céleste affectée à l’Eden, avant
sa chute. « Tu représentais, dit le prophète à son sujet, la perfection :
cf Ezéchiel 28,11 à 13. » « La valeur,
la luminosité, et la nature résistante des pierres précieuses faisaient d’elles
l’image la plus appropriée, du point de vue littéraire, pour illustrer la
gloire de l’Eternel : Ezéchiel 1,26, et le
peuple de Dieu eschatologique : Esaïe 54,12 ;
Apocalypse 21,18 à 21.[1] »
Evoquant ce symbolisme scripturaire connu, la jeune fille fait passer un
message sans ambiguïté à Salomon. Celui-ci peut déployer tous les artifices qu’il
veut : belle litière, char magnifique, escorte soldatesque vaillante… Tout
cet apparat ne peut rivaliser avec l’éclat et la magnificence qui émanent de l’être
de son berger. Ce n’est pas ce qu’il apporte avec lui qui la charme, mais sa
personne même. Les filles de Jérusalem avaient posé à la jeune fille la question :
« Qu’a-t-il de plus qu’un autre, ton bien-aimé ? : v 9. » Elle leur répond ici ! « Il
est une personne d’une qualité incomparable. Rien ne le surpasse. Je n’échangerais
rien contre lui. » Les vrais disciples de Christ ne peuvent dire que
la même chose de lui : cf Jean 6,67-68.
Son aspect est aussi majestueux
que le Liban, aussi distingué que ses cèdres.
Bien qu’il ne soit qu’un simple
berger, le bien-aimé porte en lui les insignes d’un caractère royal qui le
distingue de tous. La majesté de son être, sa grandeur sont comparables, dit la
jeune fille, aux cèdres du Liban, arbre réputé dans l’Antiquité. D’une taille
adulte pouvant atteindre 37 mètres, le cèdre était apprécié pour sa résistance
hors norme qui faisait de lui un matériau de construction idéal pour les
navires, les meubles, les temples et les palais. Salomon pouvait bien être roi.
Il n’était pas, selon la jeune fille, fait du même bois que l’élu de son cœur. Quelles
que soient les richesses et le luxe qui l’entourent, il n’est pas de taille à
rivaliser avec lui. L’excellence n’a pas de prix, et, tout bien pesé, la jeune
fille a fait son choix. Elle opte pour la qualité supérieure, celle du berger
de son cœur.
Venu en faiblesse, le Christ, dit
Esaïe, n’avait ni beauté ni splendeur propre à attirer nos regards, et son
aspect n’avait rien pour nous plaire : Esaïe 53,2.
Le vrai jugement cependant ne s’arrête pas sur ce que voient les yeux, mais il
regarde au cœur. Un jour, dit le prophète, des rois se lèveront et des princes
se prosterneront devant l’homme méprisé par la nation : Esaïe 49,7. La grandeur, l’excellence de Jésus-Christ
seront alors reconnues pour ce qu’elles sont. Il n’occupa, certes, jamais de
trône ici-bas. Mais l’histoire en témoigne : nul homme n'a fait preuve de
plus de noblesse et de dignité que lui. Aussi, vient le temps où tous, à
genoux, salueront en lui le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs. Heureux ceux
qui, dès à présent, par l’Esprit le connaissent comme tel.
Son palais n’est que douceur et
toute sa personne est désirable. Tel est mon bien-aimé, tel est mon ami, filles
de Jérusalem !
Son palais n’est que douceur et
toute sa personne est désirable. Tel est mon bien-aimé, tel est mon ami, filles
de Jérusalem !
La personne de son bien-aimé
décrite, la jeune fille en arrive à sa conclusion. Pourquoi aime-t-elle
par-dessus tout autre l’élu de son cœur ? Tout d’abord, parce que rien de
ce qui sort de sa bouche n’a le goût de l’âcreté ou de l’amertume. « Son
palais n’est que douceur, dit-elle. » Nous le savons par les paroles
de Jésus dans l’Evangile. Ce n’est pas ce qui entre dans l’homme qui le
souille, mais ce qui en sort : Marc 7,15. La
bouche est le révélateur de ce qui habite notre être profond. Or, la jeune
fille l’atteste. Jamais les propos qu’a tenu son bien-aimé ne l’ont blessée ou
offusquée. Toujours, même empreints de justesse et de vérité, ils portent en
eux la saveur de la grâce et de la bonté. Les paroles du bien-aimé sont le
reflet de son être. Salomon a cherché à se rendre désirable à la jeune fille
par le faste qu’il a déployé pour la séduire. Mais il a failli. Car rien n’a de
puissance d’attraction plus forte pour un cœur qui rêve d’être aimé qu’une
personnalité pétrie par la pureté, l’innocence et l’amour. La jeune fille que
cherche à gagner le roi, elle aussi, n’est pas faite du même bois que lui. Ce à
quoi elle aspire n’est ni le renom, ni la gloire, ni la richesse, ni le luxe. Ce
qu’elle désire est un compagnon qui soit un ami, un confident, une épaule, un
soutien pour son cœur. Tel est mon bien-aimé, dit-elle aux filles de Jérusalem.
Ne vous donne-t-il pas envie ?
6,1 : les
filles de Jérusalem
Où est allé ton bien-aimé, toi la
plus belle des femmes ? De quel côté ton bien-aimé s’est-il dirigé ?
Nous le chercherons avec toi.
Après avoir écouté la réponse de
la jeune fille à la question qu’elles lui avaient posé, les filles de Jérusalem
changent de ton à son égard. La curiosité a fait place à l’envie. Il ne s’agit
plus seulement pour elles d’entendre parler du bien-aimé. Elles veulent le
rencontrer. Elles interrogent la jeune fille pour savoir où le trouver. Elles
lui demandent de leur montrer le chemin qui mène jusqu’à lui. Elles se
proposent même de l’accompagner dans la recherche de sa proximité. La réaction
des filles de Jérusalem n’est pas le produit du hasard. Elle est le résultat du
témoignage amoureux et passionné que la jeune fille a rendu à son bien-aimé. Ironiques
jusque-là, elles se sont en quelque sorte amendés. Un travail secret s’est fait
en elles qui a changé les dispositions de leur être. Elles ont mis de côté
leurs préjugés pour entamer un vrai chemin de découverte.
Que devons-nous nous faire pour
que, de sceptiques qu’ils sont, nos contemporains se mettent à désirer
connaître Jésus, notre Bien-aimé ? La jeune fille nous le montre. Nous
devons être les témoins passionnés de qui il est. C’est là la mission première
qu’il nous a donné : Actes 1,8. Il nous
faut, par l’amour et l’admiration que nous portons à son nom, éveiller chez eux
le désir de le rencontrer. Certes, ce travail dépasse notre portée. Il n’est
pas de notre ressort, mais l’oeuvre du Saint-Esprit. Mais, dès lors que nous
remplissons notre rôle, sa puissance nous est promise. Il peut agir et remplacer
le doute par le désir. « Et si c’était vrai, se demande alors soudainement
l’incrédule ? Si ce que me dit cette personne était juste ? Ne
vaudrait-il pas la peine que je fasse l’effort de le savoir ? » A
ce stade de la réflexion, un cheminement accompagné peut se mettre en place.
Comme Philippe à Nathanaël, nous pouvons dire à notre ami : « Viens
et vois ! » : Jean 1,46. « Découvre
toi-même Jésus ! Et conclus toi-même : y-a-t-il un seul être qui
puisse lui être comparé ? »
6,2-3 : la
jeune fille
Mon bien-aimé est descendu à son jardin, au parterre d’aromates, pour prendre soin de son troupeau dans les jardins et pour cueillir les lis.
Interrogée par les filles de
Jérusalem sur le lieu où se trouve son bien-aimé, la jeune fille n’a pas d’hésitation.
Celui-ci ne peut être qu’à un seul endroit : avec son troupeau. Pour un
berger digne de ce nom, il n’y a une chose qui compte par-dessus tout. C’est la
santé de ses brebis. Jour après jour, heure après heure, du lever du soleil
jusqu’à son coucher, le berger n’a que cette préoccupation en tête :
prendre soin de son troupeau. Une brebis est-elle malade ? Il faut la
soigner. La chaleur du jour est-elle trop forte ? Il faut conduire le
cheptel dans des endroits ombragés, près de sources d’eaux claires. Un
prédateur est-il à l’affût ? Il faut protéger les bêtes, au risque, comme
David, d’y laisser sa vie : 1 Samuel 17,34-35.
En vérité, il n’y a pas un instant de la journée pendant lequel le berger ne
doit être présent pour ses brebis. S’il doit partir, il ne les laissera pas
seules. Il veillera à être remplacé pour revenir au plus vite vers elles dès
que la nécessité de l’absence s’arrêtera : cf 1
Samuel 17,20.
Dans quel lieu, ceux qui
cherchent le Seigneur Jésus, peuvent-ils le trouver ? Les Evangiles
répondent à la question. « Là où deux ou trois sont assemblés en mon
nom, je suis au milieu d’eux : Matthieu 18,20. »
Il n’y a pas de meilleur endroit que la communauté des disciples de Jésus
pour le faire connaître à ceux qui cherchent à le découvrir. C’est là que les
effets pratiques de ses tendres soins sont le plus visibles. La santé de la
communauté est le témoignage le plus éloquent en faveur de la qualité du berger
qui s’occupe d’elles. L’amour et l’unité qui relient ses membres sont, selon
les dires de Jésus, les éléments majeurs déclencheurs de la foi : Jean 13,35 ; 17,20-21. C’est de la communauté que
le parfum royal du Christ s’exhale et se fait sentir par ceux qui ne le
connaissent pas. Invitons nos amis qui le cherchent à venir pour en humer l’arôme
céleste. Comme la reine de Saba au retour de sa visite au roi Salomon, ils nous
diront : « Je ne le croyais pas avant de venir et de le voir de
mes yeux. Et l’on ne m’en avait même pas raconté la moitié ! : 1 Rois 11,7. »
Je suis à mon bien-aimé, et mon
bien-aimé est à moi. Il a conduit son troupeau parmi les lis.
Pour la seconde fois, mais dans
un ordre inverse, la jeune fille proclame le caractère exclusif de la relation
qui la lie à son bien-aimé : cf Cantique 2,16.
Dans la première déclaration, l’emphase était mise sur le fait que le bien-aimé
était la possession de la jeune fille. « Mon bien-aimé est à moi, s’était-elle
écriée. » La jeune fille exprimait ici la joie qui était la sienne d’avoir
trouvé en son bien-aimé l’élu de son cœur. Cette première affirmation fut
suivie d’une seconde que l’on trouve ici en tête : « Et moi, je
suis à lui ! ». La 2ème proposition soulignait le
caractère réciproque du lien unique qui scellait l’union amoureuse du couple.
En débutant ici par celle-ci, la jeune fille exprime le bonheur profond qu’elle
ressent à l’idée de ne plus s’appartenir, mais d’être le sujet de la jouissance
de son bien-aimé. Dans le 1er cas, la jeune fille pensait d’abord au
plaisir qui était le sien d’avoir le bien-aimé pour elle. Dans le second, ce
plaisir se trouve pour elle dans la joie de se donner à lui. Ce n’est plus à sa
propre félicité qu’elle pense en priorité, mais à celle qu’elle peut lui
procurer.
Une des marques d’une relation d’amour
authentique est cette inversion de priorité dont témoigne ici la jeune fille. La
joie intense que nous procure le bonheur d’avoir trouvé l’élu(e) de notre cœur
est première. Mais elle ne s’arrête pas là. L’amour vrai la mue toujours en
désir profond de chercher sa félicité en nous donnant à lui. Nous ne pouvons
éprouver la joie d’être aimé sans aimer en retour de la même manière. Il en est
ici de la relation amoureuse comme de celle, d’ordre spirituel, que nous avons pour
notre Dieu. « Pour nous, dit Jean, nous l’aimons parce qu’il nous a
aimés le premier : 1 Jean 4,10. » C’est
parce qu’il s’est donné à nous qu’à notre tour, nous voulons nous offrir à lui.
Ce don de nous-même au Bien-aimé est le parfum royal qui devrait embaumer toute
la maison de Dieu : cf Jean 12,1 à 6.
Est-il celui que ressent quiconque y entre ?
[1] Bible
avec notes d’études archéologiques et historiques : page 1046
[1] Selon
Darby : Fruits noirs en grappes de certaines variétés de palmiers
[1]
Commentaire Cantique des cantiques chapitre 3, verset 4
[1] La Bible
avec notes d’étude archéologiques et historiques
[1] Mes
prisons avec Dieu : Richard Wurmbrand : Editions Casterman