Partie à la recherche de son
bien-aimé, la Sulamite le trouve endormi à l’endroit même où sa mère l’a conçu :
sous le pommier. Que faisait-il là ? Le récit ne nous le dit pas. Il
souligne seulement le fait que c’est là où débuta sa vie que l’élue de son cœur
le rejoint, dans le but de s’unir à lui pour toujours. Dans la perspective de
leur union, les amoureux ont souvent besoin, de la part de Dieu, de
confirmations avant de s’engager l’un envers l’autre. Cette nécessité est d’autant
plus forte si, comme dans le cas de la Sulamite, l’entourage cherche à pousser
la jeune fille dans les bras d’un autre homme que celui qu’elle aime. Nous
pouvons compter sur la conduite de Dieu pour ne pas nous tromper dans ce
domaine si décisif pour notre vie future. Le lieu où la Sulamite trouve son
chéri ne peut que la réjouir. Là où il a vu le jour, là où la vie est née, là la
providence leur a donné rendez-vous pour sceller leur union et perpétuer la
vie. Si, pour tous les autres, le pommier du verger ne signifiait rien, pour eux
il ne pouvait être qu’un clin d’œil du destin. Dieu, qui a tous les fils de notre
vie en main, sait comment les arranger pour susciter des évènements porteurs de
signification pour ceux qu’il conduit. Qu’il nous donne d’être sensible à sa
direction, visible dans l’agencement des faits et des circonstances.
Fais de moi comme une empreinte (un
sceau) sur ton cœur, comme une empreinte (un sceau) sur ton bras
Alors que, tout au long du Cantique
des cantiques, la jeune fille doit lutter contre les assauts du roi qui veut gagner
son cœur, elle comprend ici que son combat ne cessera pour elle qu’au jour où,
dans celui de son bien-aimé, la signature de son nom sera gravée de manière
indélébile. Dans la Parole de Dieu, le sceau que la jeune fille réclame, a
toujours le même sens. Il est le symbole et la marque de la propriété. Le sceau
du roi sur un document ou sur un objet témoignait aux yeux de tous que celui-ci
émanait de lui ou lui appartenait. La jeune fille le dit ici : tant que
celui qu’elle aime n’aura pas marqué son nom sur son cœur et sur son bras, elle
ne sera pas libre à l’égard des autres prétendants qui la voudront pour eux.
Nous le savons, mais il est
toujours bon de nous en rappeler. Le salut de notre âme ne vient pas de nous, mais
de ce que le Christ, notre Sauveur et notre Bien-aimé a fait pour nous. Dans
son amour, dit Paul aux Ephésiens, il nous a choisis dès avant la fondation du
monde : Ephésiens 1,4. Ce choix que Dieu a fait de ses élus n’est connu que
de lui seul. Avant même que ceux-ci le sachent, il a gravé leurs noms dans son cœur.
Pour que le salut des choisis soit effectif, l’élection ne pouvait rester
secrète. Il fallait qu’à la vue de tous, la marque de leur nom soit imprimée
sur le bras de Dieu. Cette marque visible du salut sur le bras de Dieu s’est
faite à la croix du Calvaire. Là, le Christ, notre Berger, donne sa vie pour le
salut de ses brebis : Jean 10,11. Par la
croix, ceux qu’il a choisi d’avance sont justifiés : Romains 8,29-30. Le nom des rachetés inscrits sur son cœur
le sont sur son bras et ses mains.
Revenons à la demande que fait la
Sulamite. En quoi le fait d’avoir son nom imprimé sur le cœur et le bras de son
bien-aimé garantit-elle sa sécurité ? Un verset du prophète Esaïe, au
sujet de Sion, y répond :
« Voici, dit Dieu à Sion, je
t’ai gravé sur mes mains. Tes murs sont constamment devant mes yeux : Esaïe 49,16. »
« Je t’ai gravé sur mes
mains. Par conséquent, il est impossible un seul instant que je t’oublie. Tu es
à moi. Tu es ma propriété pour toujours. Et chacun qui voit cette marque le
sait. » D’où viendront, pour la Sulamite, le repos et la
sécurité dont son cœur a besoin au sujet de son amour ? Est-elle dans la
force de ses sentiments, dans la lutte qu’elle mène pour rester attachée à son
bien-aimé ? Non ! Elle se trouve dans l’acte qui atteste que,
désormais, elle ne s’appartient plus, mais qu’elle est à son bien-aimé. La même
sécurité, dit Paul, est offerte, à ceux qui, dans la Nouvelle Alliance, sont
les objets de l’amour rédempteur du Christ :
« Vous avez été marqués, dit
Paul, par l’empreinte, le sceau du Saint-Esprit qui avait été promis. Il est le
gage de votre héritage en attendant la libération de ceux que Dieu s’est acquis
pour célébrer sa gloire : Ephésiens 1,14. »
Le salut des élus n’est pas
garanti par la force de leur attachement à leur Dieu. Il l’est par la double
signature de Dieu sur leurs vies. La 1ère, invisible, est le
fondement de la seconde. La seconde est la confirmation de la 1ère.
L’histoire d’amour qui s’est construite entre Dieu et nous est semblable à
celle qui aboutit au mariage entre un homme et une femme. Elle commence dans le
cœur et finit par une bague au doigt. L’alliance atteste aux yeux de tous que
les époux ne sont plus libres, mais qu’ils s’aiment et sont l’un à l’autre pour
toujours. Il y a dans le monde invisible deux marques qui sont un message clair
pour les esprits : la marque des clous sur les mains de Jésus et la marque
du sceau de l’Esprit dans le cœur des élus. Tout esprit qui les voit sait à
quoi s’en tenir. Il sait qu’il n’a pas le pouvoir de ravir ses âmes à celui à
qui elles appartiennent.
Car l’amour est aussi fort que la
mort…
Il y a, dans le monde et dans le cœur
des hommes, deux puissances qui agissent avec une vigueur égale l’une à l’autre.
Ces deux forces sont comme deux courants irrésistibles qui emportent inexorablement
ceux qui sont dans leurs cours vers leur destin. Bien que totalement contraires,
elles se ressemblent pourtant par le fait que les mêmes éléments s’y
retrouvent. Ces deux passions, dit le Cantique, sont l’amour et la mort.
Cette vision binaire du monde est
aujourd’hui ce qui est fondamentalement remis en cause. Au siècle de la
tolérance, il n’est pas possible de classer les êtres de façon catégorique. Il
ne nous faut pas penser en noir et blanc, mais en nuances de gris. La preuve
actuelle la plus forte de ce relativisme ambiant se manifeste dans la théorie
du genre. L’identité sexuelle des êtres n’est pas définie par la biologie, mais
par les orientations de leurs désirs. Certains sont nés hommes, mais, dit-on,
ils ont en eux une identité de femmes ou vice versa. D’autres se trouvent dans
un flou plus grand encore. Ils sont des « fluid genders », des
personnes indéfinies sur le plan sexuel, un matin homme, le lendemain femme. C’est
oublier à quel point la nature humaine est corrompue et pervertie.
L’évangéliste Jean est peut-être
celui qui, dans l’Ecriture, a le mieux défendu l’idée d’un monde binaire. Les
hommes nagent, soit dans le courant de l’amour, soit dans celui de la mort.
Dans la pensée de Jean, il n’y a que deux options possibles pour l’humain :
être dans les ténèbres ou dans la lumière, aimer son frère ou le haïr,
pratiquer la vérité ou le mensonge, la justice ou l’iniquité, être croyant ou
incrédule, adhérer au Christ ou à l’Antichrist… La conception du réel de Jean
se calque sur celle de Jésus qui disait : « celui qui n’est pas
avec moi est contre moi, et celui qui n’assemble pas avec moi disperse : Luc 11,23. » Rien cependant n’atteste autant
la radicalité du choix auquel nous sommes confrontés que la croix où Jésus
meurt. La prière faite par le Christ au jardin en témoigne :
« Mon Père, s’il est
possible, que cette coupe (de douleurs et de souffrances que je dois boire pour
le salut des hommes) s’éloigne de moi : Matthieu
26,39. » Autrement dit : « Mon Père, s’il est
possible qu’une solution moins extrême, moins radicale, une solution qui
n’exige pas le sacrifice et le dépouillement si entier de ma personne, soit
trouvée, alors, épargne-moi. » Face à la réponse négative du Père,
Jésus dira :
Mon Père, s’il n’est pas possible
que cette coupe s’éloigne sans que je la boive, que ta volonté soit
faite : Matthieu 26,42. » Non !
Il n’était pas possible que la mort soit épargnée par Jésus. Parce que, pour
détourner ce courant qui allait emporter les hommes vers la destruction, il en
fallait un plus fort que lui : le courant de l’amour de Dieu.
La passion est aussi inflexible
que le séjour des morts.
Roméo, de la famille des
Montaigu, était tombé amoureux fou de Juliette, de la maison des Capulets. Pour
leur malheur, les deux clans se haïssaient par-dessus tout. Mais la passion qui
anime le jeune homme et la jeune fille est plus forte que tout. Par suite de
multiples péripéties, Roméo, croyant Juliette morte, préfèrera se suicider plutôt
que de continuer à vivre. Juliette, ayant appris la mort de Roméo, le suivra
peu de temps après dans le tombeau. La tragédie shakespearienne bien connue est
l’illustration de l’affirmation du Cantique des cantiques dans son sommet. Si
la mort est intraitable avec ses victimes, la passion amoureuse l’est tout
autant. Quel que soit le prix qu’il doit payer et les pressions qui s’exercent
sur lui, le cœur qui aime est inflexible. Il ne se relâchera pas ni ne se
détournera de l’objet de son affection jusqu’à ce qu’il ait atteint son but.
A de multiples reprises, l’Ecriture
témoigne de la menace funeste que représente l’approche de la mort pour les
justes. « Les liens de la mort m’avaient enserré, et les torrents
dévastateurs m’avaient épouvanté ; les liens du séjour des morts m’avaient entouré,
les pièges de la mort m’avaient surpris : Psaume
18,5-6. » Dans la circonstance, David ne devra son salut qu’au
secours divin : Il est intervenu d’en haut, il m’a pris, il m’a retiré
des grandes eaux, il m’a délivré de mon adversaire puissant, de mes ennemis qui
étaient plus forts que moi : Psaume 18,17-18. »
Seule la passion de Dieu pour David avait le pouvoir de le soustraire au
sort inéluctable qui l’attendait.
Ce n’est pas pour rien que l’on
nomme la souffrance rédemptrice vécue par Jésus, sa passion. Seule, en effet,
une passion inflexible le rendra capable d’aller au bout de sa volonté de salut
pour nous. Cette passion, nous la lisons, sur son visage tout au long de son
parcours jusqu’à la croix. Evoquant le sujet, Esaïe dira : « Je ne
me suis pas rebellé, ni esquivé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient
et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe, je n’ai pas caché mon visage
aux insultes et aux crachats. Cependant, le Seigneur est venu à mon aide. Voilà
pourquoi je ne me suis pas laissé atteindre par les insultes, voilà pourquoi
j’ai rendu mon visage dur comme une pierre… : Esaïe
50,5 à 7. »
Quelqu’un a noté avec justesse
que, du prétoire à la croix, jamais nous ne voyons Jésus baisser la tête. Pour
qu’il soit un sacrifice puissant et victorieux sur la mort, il fallait que l’engagement
de Jésus soit total, volontaire et déterminé. Cette détermination du Christ se
lit sur sa face, lorsqu’il choisit d’aller à Jérusalem au-devant de son destin :
« Lorsque le temps où il devait être enlevé du monde approcha, Jésus
prit la résolution de se rendre à Jérusalem : Luc
9,51. » Littéralement, on pourrait traduire : Jésus
fixa son visage de façon solide. La
passion inflexible de Jésus a eu raison du courant puissant de la mort qui
devait nous anéantir. C’est grâce à elle que nous vivons. Qu’à jamais, nous lui
en rendions grâces dans l’éternité !
Ses ardeurs sont des ardeurs de
feu, une flamme de l’Eternel.
Il n’est étrange pour aucun
lecteur de l’Ecriture que la mort soit comparée à un feu ardent qui consume les
rebelles. Jésus lui-même, jugeant les damnés, situe le lieu de leur séjour dans
le feu éternel préparé à l’origine par Dieu pour le diable et ses anges : Matthieu 25,41. Ce qui est plus singulier est l’idée que l’ardeur de la passion
amoureuse brûle de la même flamme. Comment comprendre ces choses ?
Il n’est pas rare que, pour décrire Dieu, la Parole utilise
l’image du feu. Alors que Moïse était dans le désert, il vit un buisson ardent
en feu qui ne se consumait pas. S’approchant, il entendit une voix qui lui
ordonna d’ôter ses souliers de ses pieds, car il se tenait sur une terre
sainte : Exode 3,5. Pour que le feu de Dieu
ne lui fasse pas de mal, Moïse devait respecter deux conditions : ne pas
souiller le lieu où il se manifestait et se tenir à une distance raisonnable,
salvatrice du feu de Dieu. Le feu de Dieu, par lequel Dieu s’est révélé à Moïse
sans lui faire aucun tort, est le même qui est mentionné par Esaïe comme celui
qui brûlera dans la géhenne les damnés : « Les pécheurs sont effrayés dans Sion, un tremblement saisit les impies :
qui de nous pourra rester auprès d'un feu dévorant ? Qui de nous pourra rester
auprès de flammes éternelles ? : Esaïe 33,14. »
Nous ne le saurons qu’au jour où nous serons dans l’éternité.
Mais il n’est pas impossible que le feu de l’amour saint de Dieu, qui
réchauffera le cœur des élus en éternité, soit le même qui consumera les perdus.
Il y aurait là comme les deux faces d’une même réalité dans des applications
contraires. Ecoutons ce que dit à ce sujet Norman Grubb, le neveu de Charles
Studd :
« Le feu tel que nous le voyons dans le
soleil, est la source de toute vie sur la planète. En soi, il est une puissance
terrible de destruction. Si l’on viole les lois de la nature en l’approchant de
trop près, on en est puni par la souffrance et la destruction. Et pourtant de
cette source embrasée rayonnent toutes les merveilles et toutes les beautés,
les couleurs et la chaleur de la lumière douce et bienfaisante. Sans feu, pas
de lumière. Sans lumière, pas de vie sur la terre, car la lumière pénètre dans
la nature entière pour la vivifier, nourrir, donner couleur et forme à toute
chose… A côté du royaume de Dieu, s’est constitué par la révolte un autre
royaume, celui du mal et du moi. Ce royaume est l’envers de celui de Dieu… Le
royaume du moi se caractérise par des égos coupés de leur source. Ce sont des
égos qui veulent être leur propre fin et satisfaire leurs convoitises. Le
royaume du moi et du mal est un royaume rebelle à Dieu. C’est un royaume qui
viole les lois éternelles de Dieu et qui se brûle au contact de sa volonté.
Le feu vengeur
de l’enfer fait partie de Dieu, c’est une partie intégrante inéluctable de Sa
nature, car ce sont exactement les mêmes flammes qui brûlent dans l’amour au
céleste royaume. Si Lucifer et ses armées, puis les hommes séduits par lui, ne
s’étaient pas détournés du royaume de la lumière de Dieu vers le royaume de son
feu, nul n’aurait jamais connu ni éprouvé le caractère féroce et infernal de
ces flammes… Ceux qui sont dans l’étang de feu ne connaissent pas Dieu comme la
douce et bienfaisante lumière du ciel, mais comme le feu originel caché, au
sein duquel ils ont pénétré indûment. Ils ont plongé les mains dans le feu au
lieu de se réchauffer à sa lumière… Le ciel et l’enfer sont en réalité les deux
faces d’un même élément éternel : feu consumant de la vie qui est la
nature de Dieu, qui brûle dans l’amour ou la colère, suivant que nous plongeons
nous-mêmes dans l’un ou dans l’autre. »
Toutes choses, dans le monde présent comme à venir, trouve son
origine en Dieu. Tout émane de lui et, par ce fait, reste lié à lui. Les élus
de Dieu, objets de son amour, célébreront à jamais la passion dont le Christ a
fait preuve pour leur salut. Car c’est de lui seul que vient leur rédemption. « En Jésus-Christ, dit Tim Keller,
nous constatons que, comme nous, Dieu fait réellement l’expérience de la
douleur des flammes… »
Par sa mort, il s’est consumé pour que nous ne le soyons pas. Les maudits,
quant à eux, découvriront avec douleur l’inanité de leur volonté d’autonomie à
son égard. Le Dieu qu’ils auront voulu fuir sera la réalité éternelle et
permanente qu’ils devront subir. « C’est pourquoi, dit l’auteur de la
lettre aux hébreux, puisque nous recevons un royaume inébranlable,
attachons-nous à la grâce qui nous permet de rendre à Dieu un culte qui lui
soit agréable, avec respect et piété. Notre Dieu est en effet un feu dévorant :
Hébreux 12,28-29. »
Les grandes eaux ne pourront pas éteindre l’amour,
ni les fleuves le submerger
Un seul élément, nous le savons, est capable de mettre un
terme à la puissance dévastatrice du feu : l’eau. Il y a entre l’eau et le
feu une impossibilité d’accord. Là où l’eau est absente, rien n’arrête le feu.
Là où elle est déversée avec force, les flammes s’éteignent. Il y a un feu,
cependant, contre lequel les grandes eaux sont impuissantes. C’est, dit la Sulamite,
le feu de l’amour. L’expression que la jeune fille utilise ici pour décrire l’adversité
qui cherche à tuer l’amour n’est pas nouvelle. Dans l’Ecriture, les grandes
eaux symbolisent un courant contre lequel on ne peut lutter seul, telle une
marée qui emporte tout sur son passage. David, qui est passé par là, témoigne
qu’il ne dut son salut qu’à la main salvatrice de Dieu : Psaume 18,2. Les tentatives de séduction dont a été l’objet
la Sulamite ne sont pas rien. Elles ont éprouvé son cœur, ses affections à l’extrême.
La pression exercée sur elle suffisait à elle seule pour
rompre les digues de son cœur. Mais la flamme que l’Eternel avait allumé en
elle a tenu bon. Il en est de l’épreuve du juste comme de la mer. Ses limites
sont fixées par Dieu. « J’ai dit : Tu pourras venir jusqu’ici, tu
n’iras pas plus loin. Ici s’arrêtera l’orgueil de tes vagues : Job 38,11. » La fermeté dont a fait preuve la
Sulamite n’est pas le fruit de sa force de caractère. Elle est la manifestation
en elle de la présence toute puissante de Dieu, mise au service de l’amour. C’est
cette même puissance qui, par l’Esprit de Dieu, habite en nous. L’amour ne
meurt jamais : 1 Corinthiens 13,8.
Même si un homme offrait tous les biens de sa
maison contre l’amour, il ne s’attirerait que le mépris
La Sulamite apporte ici la conclusion morale de l’histoire qui
forme la trame du Cantique. La leçon majeure qu’elle veut que nous retenions
est que l’amour d’un cœur ne peut être acheté. L’amour n’a pas de prix et
quiconque veut le monnayer n’a pas saisi sa valeur inestimable. La prostituée
peut vendre ses charmes pour de l’argent. Mais ce qu’elle donne, ce n’est pas
son cœur, mais son corps. L’amour est le don entier de sa personne à l’autre. Aussi
ne peut-il être qu’un don entier, volontaire et gratuit. Le soudoyer contre des
biens, fussent-ils les plus précieux, ne peut qu’en dénaturer l’esprit. Si
l’être qui se donne à nous par amour nous est si cher, c’est que nous savons
justement que nous ne pouvions rien payer pour jouir de sa tendresse et de son
affection. Elles nous ont été offertes entièrement et c’est pour cette raison
qu’elles n’ont pas de prix.
Ce qui est vrai pour la relation conjugale l’est d’autant plus
pour le lien qui nous attache à Dieu. Qui peut décemment penser qu’il peut
acheter, d’une manière ou d’une autre, l’amour de Dieu ? Si une relation
d’amour et d’affection peut exister entre l’être créé et son Créateur, elle ne
peut se faire que sur la base du don et de la gratuité. A cause du péché, Dieu
aurait pu choisir de garder pour toujours ses distances avec nous. Il ne l’a
pas fait. Son amour l’a poussé à rétablir la communion rompue avec nous. Il n’a
pu le faire qu’en nous donnant ce qui lui était le plus précieux : son
Fils unique et éternel. Plus que tout autre, ce don avait pour son cœur une
valeur inestimable. Aussi est-il impossible, à ceux à qui il est destiné, de le
payer ou de le marchander. « Vous le savez, en effet, dit l’apôtre
Pierre : ce n’est pas par des choses corruptibles comme l’argent ou l’or
que vous avez été rachetés de la manière de vivre dépourvue de sens que vous
avaient transmise vos ancêtres, mais par le sang précieux de Christ, qui s’est
sacrifié comme un agneau sans défaut et sans tache : 1 Pierre 1,18-19. » Que, dans notre relation
quotidienne avec Dieu, nous ne l’oublions jamais. Son amour pour nous est et
restera à jamais un don de sa générosité. Je ne peux rien faire ni pour le
monnayer, ni pour le mériter.