Cantique des cantiques
1,1 : nom et auteur du livre
Le livre début par son intitulé
et le nom de son auteur. Le titre du livre évoque un superlatif. A cause du
thème qui en est l’objet, il est désigné comme le plus beau des chants, la
perle des chants. L’expression utilisée se retrouve en d’autres qui expriment
le même sens : vanité des vanités : Ecclésiaste
1,2, le Saint des saints ou le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs
au sujet de Jésus : Apocalypse 19,16. Le
cantique des cantiques a pour objet de magnifier à son plus haut degré le sujet
qui en est le thème : l’amour conjugal.
L’auteur du livre est bien connu
dans l’histoire et par les lecteurs de la Bible. Il est, aux dires de Jésus, le
roi le plus célèbre d’Israël sur le plan international : Matthieu 12,42. La réputation de sagesse de Salomon a largement
débordé les frontières de son royaume. Auteur majoritaire du livre des
Proverbes et de l’Ecclésiaste, Salomon a médité sur nombre de choses : Ecclésiaste 12,9 à 12. Sur le plan de l’amour
conjugal, on ne peut cependant dire que Salomon ait été un roi exemplaire. La loi de Moïse préconisait que les rois
d’Israël ne prennent pas un grand nombre de femmes, de peur que leurs cœurs ne
se détournent de l’Eternel : Deutéronome 17,17.
Salomon n’eut pas la sagesse de suivre ce précepte. Pour sa perte, il se
constitua un harem de 700 princesses et 300 concubines qui l’entraînèrent à
l’idolâtrie : 1 Rois 11,3 à 8. Le Cantique
des cantiques rend compte de ce travers de Salomon.
Le livre du cantique des
cantiques, à cause de sa particularité, a été le sujet de nombres
d’interprétations. On y a vu une parabole de l’amour qui unit Israël à son
Dieu, ou Christ à l’Eglise. Certains ont discerné dans les répliques qui nous
sont rapportées, une lutte entre trois personnages : un roi, un berger et
une jeune femme. Epris de la jeune femme, le roi veut la conquérir pour
l’intégrer dans son harem. Mais le cœur de celle-ci est déjà pris par un
berger. Son amour sera plus fort que toutes les forces de séduction mises en
œuvre par le roi. Une telle interprétation est plausible. L’angle premier à
partir duquel j’ai voulu regarder ce livre découle du texte lui-même. Le livre
traite de l’amour romantique. Il décrit les agitations que l’amour provoque
dans les cœurs. Ce remous que suscite l’amour met en lumière ce qui s’y trouve.
Il est un aiguillon qui remue tout l’être, y révélant son fond : pureté ou
souillure. Cette lecture du livre n’exclut pas la prospective et les
projections vers d’autres situations ou vérités révélées dans l’Ecriture. Quel
que soit le sujet, Christ est et reste l’objet de toutes les Ecritures : Jean 5,39. Entrons dans le livre pour nous mettre dans
la peau de chacun des acteurs de la pièce qui en forme la trame !
1ère RENCONTRE : CH 1,1 à 2,7
1,2 à 4a :
la jeune femme
Qu’il m’embrasse des baisers de
sa bouche
Le sentiment amoureux de la jeune
femme lui fait désirer les baisers de celui qu’elle aime. Le sentiment amoureux
porte en lui une puissance d’attraction qui fait tomber toutes les barrières
naturelles qui, d’habitude, nous poussent à garder distance avec le corps des
autres. L’amour porte en lui une dynamique qui incite à la tendresse, et stimule
la fusion des êtres. Ce que nous faisons avec joie, désir et envie avec celui
que l’on aime, on ne le fait avec personne d’autre.
D’emblée, le cantique des
cantiques s’oppose à la conception de l’amour issue de la Renaissance, que l’on
a appelé « amour platonique ». L’amour ne peut être indéfiniment
chaste et intellectuel. L’amour est sensuel. Il s’exprime de manière concrète
par des gestes, des caresses, des baisers, du toucher. Dans la pensée créatrice
de Dieu, la sensualité n’est pas synonyme de vulgarité. Elle ne le devient que
sous l’effet d’une convoitise déréglée. Quant au baiser, « il est, dit
Ghislaine Paris, médecin et sexologue, la porte d’entrée dans la sexualité, son
sésame. Il installe les fondations de nos premiers émois sensuels et ne nous
laissera jamais indifférents, que nous l’aimions ou pas.[1] »
Oui, ton amour est meilleur que
le vin
L’amour est un sentiment si
agréable qu’il surpasse les plaisirs que procure tous les excitants naturels.
Le vin réjouit le cœur de l’homme : Psaume 104,15,
mais l’amour possède une saveur qui lui est supérieur. L’amour comme le vin
enivre celui qui en est rempli. Il peut aller jusqu’à faire perdre la tête. Le
cœur, dit Blaise Pascal, a des raisons que la raison ne connaît pas. »
Tes parfums ont une odeur
agréable
Tout ce qui émane de l’être aimé
est, pour celle qui l’aime, comme un parfum de bonne odeur. Elle aime
l’entendre parler, le voir sourire, elle lui trouve du charme dans tout ce
qu’il fait. « Dites-moi, Félicia, quand vous avez commencé à
m’aimer ? » ... « Je me suis éprise du petit copeau qui s’était
accroché à vos cheveux, juste au-dessus de votre oreille, le jour où, pour la
première fois, je vous ai vu à l’atelier.[2] »
D’une certaine manière, il est vrai que l’amour rend aveugle. Il peut
rendre un copeau pris dans une chevelure attrayant. L’amour ne voit pas les
défauts qui existent chez l’autre. Face aux qualités que la jeune femme trouve
à son bien-aimé, ceux-ci n’ont pas de poids. Il n’est pas étonnant que Marie de
Béthanie ait voulu répandre un parfum de grand prix pour signifier à Jésus
combien elle l’aimait : Jean 12,3. Ce
parfum témoignait ce que Jésus inspirait à son cœur.
Ton nom même est un parfum qui se
diffuse. Voilà pourquoi les jeunes filles t’aiment
L’évocation du nom du bien-aimé
suffit à enchanter celle qui l’aime. A cause de l’effet que produit son
bien-aimé sur d’autres jeunes filles, la bien-aimée se sait privilégiée d’être
l’élue de son cœur. De manière indirecte, la bien-aimée souligne l’importance
du témoignage que rendent les autres au sujet de son bien-aimé. Si quelqu’un ne
collecte que des avis négatifs et ne suscite que des avertissements, la jeune
fille qui s’est éprise d’un tel individu serait sage d’en tenir compte.
Entraîne-moi derrière toi !
Courrons ! Le roi m’a introduit dans ses appartements
La bien-aimée ne désire qu’une
chose simple : que le bien-aimé la prenne par la main pour l’introduire
dans sa maison. Aimer, c’est s’introduire dans l’intimité, le passé, le vécu de
l’autre. C’est intégrer le cercle étroit de ses familiers, ses proches, sa
parenté. Un grand pas est fait dans l’amour lorsque le ou la bien-aimé(e) est
présenté(e) à la famille. C’est le début d’un chemin où de deux qu’ils étaient,
les bien-aimés ne feront plus qu’un.
Note : il est des choses
qui, dans le passé, allaient sans être dites. Mais, dans notre culture postchrétienne,
il est bon qu’elles soient précisées. Jamais une seule fois la Bible n’exalte
le sentiment amoureux qui pousserait des personnes de même sexe à s’embrasser.
L’amour est un sentiment qui unit des personnes de genres différents, féminin
et masculin, en vue de former une unité pour laquelle elles ont été
physiquement créées. L’attrait homosexuel résulte d’une distorsion de la
sexualité telle qu’elle a été conçue par Dieu. Il peut être célébré, magnifié
dans le monde, mais il ne l’est jamais dans l’Ecriture.
1,4b :
les filles de Jérusalem
Réjouissons-nous, soyons dans
l’allégresse à cause de toi ! Célébrons ton amour plus que le vin !
C’est avec raison que l’on t’aime !
Si le sentiment amoureux est à la
genèse des élans du cœur de la jeune femme vers son bien-aimé, il n’est pas la
seule expression de l’amour. Les filles de Jérusalem, qui sont spectatrices de
l’idylle qui se noue entre eux, ne sont pas en reste à ce sujet. Heureuses pour
la bien-aimée, elles se réjouissent avec elle de ce qui lui arrive. L’amour les
rend capables de s’identifier à elle et de réagir comme si c’était à elles
qu’arrivait le bonheur qu’elle connait. Les filles de Jérusalem connaissent
elles aussi la joie que procure les excitants, tels le vin. Cette joie ne peut
rivaliser cependant avec le ravissement qu’est pour elles l’amour qui lie deux
cœurs qui s’aiment. Les jeunes filles de Jérusalem témoignent de ce qu’est une
véritable amitié entre des êtres. « Celui à qui appartient l’épouse,
c’est l’époux ; mais l’ami de l’époux, qui se tient là et qui l’entend,
éprouve une grande joie à cause de la voix de l’époux : Jean 3,29. » L’ami du marié, ou l’amie de la
mariée, ne se contente pas de se réjouir de la relation qui s’est tissée entre
les époux. Elles apportent la contribution du témoignage de leur estime au
conjoint de celui ou celle qu’elles accompagnent. « Nous connaissons notre
amie (à moins que ce soit l’époux, le roi), disent les filles de Jérusalem. Il
y a tant de qualités et de beauté en lui ou elle. C’est avec raison que l’on
t’aime. »
Hors de la relation amoureuse,
qu’est l’amour ? C’est, selon Paul, la capacité de s’identifier à l’autre
dans les joies et les peines qu’il traverse. « Réjouissez-vous avec
ceux qui se réjouissent ; pleurez avec ceux qui pleurent : Romains 12,15. » Alors que son père Saül
voulait tuer son ami David, Jonathan a fait tout ce qui était en son pouvoir
pour l’en dissuader. Saül ne voulant rien entendre, Jonathan prendra fait et
cause pour David, allant jusqu’à signer un pacte d’alliance avec lui : 1 Samuel 20,42. Voilà ce qu’est une vraie
amitié !
1,5 à 7 : identité
de la jeune femme
Je suis noire, mais je suis
charmante… Ne prêtez pas attention à mon teint noir : c’est le soleil qui
m’a brûlée.
Nous savons que le bien-aimé de
la pièce est roi. Nous apprenons ici à connaître qui est la bien-aimée. La 1ère
chose qu’elle nous dit à son sujet est qu’elle est noire. Ce trait distinctif,
qui est la 1ère marque qu’elle met en avant quant à son identité,
évoque plusieurs réalités. La bien-aimée du roi n’est peut-être pas une fille
de son peuple, mais une étrangère. La couleur noire de sa peau ne répond pas
aux canons de la beauté appréciés à l’époque. La jeune femme le sait. C’est
pourquoi, comme pour s’excuser de ce handicap, elle ajoute que, quoique noire,
elle est charmante. Elle invite ainsi ceux qui la découvrent à dépasser leurs
préjugés. Qu’ils ne s’arrêtent pas à la couleur de sa peau, mais qu’ils
considèrent les autres traits de sa personne pour se forger un avis objectif
sur elle. Si, pour certains, son aspect ne répond pas à leurs critères
esthétiques, qu’ils les mettent de côté. Ce qui est agréable dans une personne
dépasse l’apparent.
Le fait que la bien-aimée du roi
soit une étrangère noire témoigne de la réalité d’une vertu inhérente à
l’amour. L’amour est porteuse de grâce. Aimer une personne, c’est l’aimer telle
qu’elle est. Qui s’arrête aux imperfections de l’autre, à ce qui ne correspond
pas à son idéal, n’aime pas. Il est possible que dans une famille de race
blanche une femme noire, étrangère, différente devienne la bien-aimée de l’un
de ses membres, appréciée de toute la famille. Qui ne peut aimer oublie qui il
est. Car, dans ce monde, il n’y a personne de parfait. Jésus était, sur le plan
de son être, le plus beau des fils de l’homme : Psaume
45,2. Pourtant, il n’avait ni beauté, ni splendeur propre pour attirer
le regard : Esaïe 53,2. Seul un amour
porteur de grâce permet de voir la véritable beauté des êtres.
L’amour valorise toujours la
personne aimée. Il peut y avoir autour d’elle quantité d’autres êtres qui
possèdent du charme. Mais l’amour se concentre sur un seul objet. Il le
distingue et en remplit ses yeux. Une des preuves d’un amour qui s’altère est
que celui ou celle qui était aimé(e) n’est plus le seul objet de l’attention du
cœur de l’autre. Pour celui qui aime, l’être aimé est unique, au-dessus de
tout.
Les fils de ma mère se sont
irrités contre moi…
Si la jeune fille a le teint
halé, elle en donne la raison. Elle n’est pas une fille de la ville et des
palais, mais de la campagne. C’est son exposition quotidienne au soleil qui a
foncé sa peau. Le contexte familial de la bien-aimée du roi n’est pas simple.
Est-elle issue d’une famille polygame ? Dès sa présentation, elle fait
part des tensions qui existent entre elle et les fils de sa mère. La jeune
fille se trouve dans une famille marquée par l’absence du père. Comme c’est le
cas à l’époque, ce sont les fils qui, dans une telle situation, exercent
l’autorité. Mais les fils de la mère de la jeune fille ne sont pas ses vrais
frères. Adulte et libre, elle refusera le chemin tout tracé qu’ils avaient planifié
pour elle.
Il est possible que le contexte
familial de la jeune fille ait fortement influencé ses idéaux. Elle sait, par
expérience, les méfaits qu’entraîne la polygamie. Ce partage du foyer entre
enfants issus de plusieurs lits ne peut qu’exacerber les rivalités. Un
demi-frère n’est pas un frère, et sa parole n’en a pas le poids. Pensant à
l’amour, la jeune fille ne voulait être l’élue que d’un seul cœur. Il n’était
pas question que l’élu du sien soit aussi l’amant d’une autre.
La famille dans laquelle nous
sommes nés est le moule à partir duquel nous nous construisons. Selon le cas,
nous aurons le désir, en grandissant, de nous en affranchir ou de l’imiter. La
famille est le lieu où se gravent en nous les premières impressions. Si
celles-ci sont douloureuses, nous soupirerons après un autre état. Nous nous
promettrons de ne jamais copier le modèle reçu de nos parents. Nous nous
forgerons un idéal qui se différencie de leur vécu. Malheureusement, il n’est
pas toujours aisé de le faire. Le poids des coutumes culturelles, l’absence
d’autres modèles risquent de nous ramener dans les ornières qui nous ont vu
naître. Seule la puissance d’une forte détermination a le pouvoir de nous
sauver de la vaine manière de vivre de nos pères. C’est en Christ que le
chrétien la puise.
Toi que mon cœur aime, révèle-moi
où tu conduis ton troupeau…
Après nous avoir parlé d’elle et
de sa situation familiale, la jeune fille laisse libre cours aux élans de son
cœur. Aimée, désirée par le roi, introduite dans ses appartements, entourée des
filles de Jérusalem qui célèbrent la faveur dont elle est l’objet, celle-ci n’a
de pensées que pour l’élu de son cœur, le grand absent de la fête. « Où
es-tu, berger de mon cœur ? Où fais-tu reposer ton troupeau ? » Objet
de toutes les attentions, la jeune femme est comme ailleurs, près de celui qui
est l’objet de toutes son affection. Son attitude témoigne d’une réalité propre
à l’amour. Sur le plan physique, la proximité des personnes se mesure en
centimètres. Mais, dans le cœur de celui qui aime, ce sont les objets de son
amour qui lui sont proches. Le bien-aimé peut être exilé à l’autre bout du
monde. Dans le cœur et l’esprit de la bien-aimée, il se trouve constamment là.
Tous les efforts fournis par son entourage pour la détacher de lui sont vains. Plus
on s’y escrime, plus son image et son souvenir l’habitent. Le bonheur du cœur
n’est pas lié à tout ce que l’on fait pour le distraire. Sa joie est d’être
avec celui ou celle qu’il aime.
L’amour de la jeune fille pour le
berger de son cœur est le reflet de celui des élus de Dieu pour leur Seigneur.
Comme elle, ceux-ci ne sont pas en contact physique étroit avec lui. Le berger
de notre cœur est au ciel, non sur la terre. Bien des tentatives sont initiées
par le roi de ce monde pour nous détourner de lui. Mais elles aboutissent
toutes au même résultat : intensifier la nostalgie de notre cœur pour lui.
Oui ! Qui a goûté à l’amour de Christ sait qu’aucun autre ne le vaut. Avec
lui, nous avons connu l’amour, l’essence même de la nature de Dieu : 1 Jean 4,16. Vers qui irions-nous après cela ?
Pourquoi serai-je comme une femme
voilée près des troupeaux de tes compagnons ?
Enfermée dans ses pensées, la
jeune fille n’est pas là où se trouve son corps. Elle est partie à la recherche
de son bien-aimée. Dans son voyage imaginaire, elle se voit errer sur les
montagnes, passant d’un troupeau à l’autre pour trouver le berger de son cœur.
Une peur l’habite : que son comportement intrigant amène ceux qui la
croisent à lui prêter de fausses intentions. Qui est cette femme qui rôde
autour de nos troupeaux ? Que cherche-t-elle ? Aussi longtemps que
les autres bergers ne savent pas le pourquoi de sa façon d’agir, celle-ci peut
être l’objet de toutes les interprétations.
Les craintes de la jeune femme
sont fondées. Pour ne pas être ambigu, l’amour doit se vivre dans la vérité. Je
me souviens des premiers jours de caserne, au début de mon service militaire.
Jeune chrétien, j’avais reçu ce sage conseil d’un aîné : « Affiche
la couleur dès le début ! » C’est ce que j’ai fait. Ayant su que
j’étais chrétien, mes compagnons de chambrée n’eurent pas à interpréter mes
postures. Il savait pourquoi je participais à certaines de leurs activités et
délaissaient d’autres. Pour se faire une juste opinion de nous, les gens qui
nous entourent ont besoin de savoir qui est l’objet de notre amour. Aimons-nous
le Christ dans le secret ou dans la lumière ?
1,8 :
les filles de Jérusalem
Si tu ne le sais pas, toi la plus
belle des femmes, sors sur les traces du petit bétail…
A l’écoute des propos de la jeune
femme, les filles de Jérusalem deviennent ironiques à son encontre. Alors
qu’elle est l’élue du cœur du roi, que celui-ci veut l’introduire dans sa
maison, comment peut-elle soupirer après un berger ? Ne voit-elle pas la
chance qu’elle a ? Qu’elle interroge l’une ou l’autre des filles de
Jérusalem ! Elle se rendra compte rapidement qu’aucune d’elles
n’échangerait ce privilège contre qui ou quoi que ce soit.
Pour les filles de Jérusalem, la
jeune femme se comporte comme une ignorante. Elle se plaint parce qu’elle ne
sait pas où se trouve son berger. Si elle prenait conscience de la faveur dont
elle est l’objet à cet instant, elle ne réagirait pas de la sorte. Les filles
de Jérusalem témoignent par leur réaction qu’elles ne savent rien, quant à elles,
du véritable amour. Peu importe ce qu’apporte en termes de biens et de prestige
celui que l’on aime. Pour le cœur de la bien-aimée, le véritable trésor se
trouve dans la personne du bien-aimé, pas ailleurs. Le bien-aimé peut être
pauvre. Ce qu’il est, est une richesse plus grande que l’or ou un palais. La
naïveté de l’amour est plus intelligente que les spéculations chiffrées des
calculateurs.
La faille qui sépare l’attitude
des filles de Jérusalem de celle de la jeune femme nous interroge : est-il
possible d’imposer à un cœur d’aimer ? Au temps de l’époque médiévale, les
princesses de sang royal ne décidaient pas elles-mêmes de leur union. Leur
mariage était arrangé en fonction d’intérêts politiques ou territoriaux.
L’histoire relève nombre de faits tragiques qui en furent la conséquence. Deux
des belles-filles de Philippe le Bel finiront leurs vies en cachot pour avoir
aimé deux pages alors qu’elles étaient mariées de force aux fils du roi. C’est
la célèbre affaire de la tour de Nesle[3].
Leur adultère ne se justifie pas. Mais la question demeure : peut-on
imposer, contre son cœur, l’objet de l’amour ?
1,9 et 10 :
le jeune homme
C’est à une jument attelée aux
chars du pharaon que je te compare, mon amie. Tes joues sont charmantes avec
des bijoux, ton cou est charmant avec des colliers.
Au début de son règne, l’histoire
nous rapporte que Salomon s’allia par mariage avec le Pharaon, roi d’Egypte. Il
prit pour femme sa fille et l’installa dans la ville de David : 1 Rois 3,1. L’Ecriture ne nous rapporte rien des
festivités, de la pompe et du luxe qui marquèrent cette union. La première
parole du roi à l’égard de la jeune femme qu’il veut ici épouser témoigne de ce
qui l’a impressionné en ce jour. Salomon était un passionné de cavalerie. Dans
sa volonté d’affermir son règne, il construisit nombre de villes destinées à
accueillir ses chars, et d’autres sa cavalerie : 1
Rois 9,19. Salomon avait ainsi 40 000 crèches pour les chevaux
destinés à ses chars et 12 000 cavaliers : 1
Rois 4,26. C’est dire à quel point il était fasciné par l’élégance, la
beauté, la prestance des chevaux. Il n’est pas étonnant donc que, pour vanter
la beauté de la jeune femme, Salomon la compare aux juments attelés aux chars
du Pharaon. Il y a là, dans son cœur, le plus beau compliment qu’il puisse lui
donner. Tous les passages qui traitent de la passion de Salomon pour les
chevaux se situent après le jour de son mariage avec la fille du Pharaon. C’est
en ce jour, certainement, que le cœur du roi fut ébloui comme jamais par le caractère
royal de l’animal. Les juments attelées aux chars de Pharaon possédaient une
telle grâce qu’il n’avait rien vu de pareil jusqu’à ce jour. Tel est l’effet
que produit sur lui la beauté de la jeune femme : Salomon est ravi !
Il n’y a pas d’amour sans
éblouissement. Que la femme le sache ! Être l’élue du cœur d’un homme,
c’est être sublime à ses yeux. Beaucoup de femmes possèdent de belles qualités
et sont d’une grande beauté. « Mais toi, dit le jeune homme épris, tu
les surpasses toutes : Proverbes 31,29. »
Si, dans notre cœur, la femme que nous aimons n’est pas plus précieuse à nos
yeux que les autres, il y a là question à se poser. Qu’adviendra-t-il au jour
où, sur notre chemin, nous en croiserons une autre qui semble posséder plus de
charme ? Va-t-elle se flétrir à nos yeux ?
1,11 :
Les filles de Jérusalem
Nous te ferons des bijoux en or
avec des points en argent
Les filles de Jérusalem ont
entendu le contenu de la louange qu’a exprimé le roi au sujet de l’élue de son
cœur. Comparée à une des juments attelée aux chars du Pharaon, les filles de
Jérusalem ont retenu l’importance qu’avait la parure de celle-ci aux yeux du
roi. Elles n’ont pas eu besoin d’en entendre plus. Elles ont compris que, pour
augmenter le charme de la jeune femme, les bijoux, les colliers, les ornements
raffinés avaient la faveur du roi. Les filles de Jérusalem se proposent donc de
répondre à son désir en fabriquant et ciselant elles-mêmes les bijoux d’or
qu’elle portera.
L’amie de la mariée, au jour des
noces, ne désire qu’une seule chose. C’est que l’heureuse élue soit la plus
belle, la plus éclatante qui soit pour la joie de son époux. Femme comme elle,
elle sait à quel point les parures précieuses embellissent et fascinent. Ce
trait, qui souligne l’importance de l’apparence dans l’effet que l’on produit
sur autrui, est commun à tous, mais spécifiquement féminin. La façon de se
tenir, de se coiffer, les habits que l’on porte, tout concoure à l’effet de
séduction que la femme cherche à exercer pour attirer le regard de l’homme.
C’est pourquoi, aux jours des noces, personne ne doit rivaliser à ce sujet avec
la mariée. Les filles d’honneur, dans leur service, veillent à ne pas être
belles pour elles-mêmes, mais pour leur amie, dont elles veulent célébrer le
bonheur.
L’apôtre Pierre, dans l’une de
ses lettres, revient sur ce sujet. Sans condamner la recherche de la beauté, il
insiste pour que l’épouse chrétienne ne fasse pas de l’ornement extérieur
l’objet de sa recherche, mais qu’elle concentre plutôt celle-ci sur « la
parure intérieure et cachée du cœur, la pureté incorruptible d’un esprit doux
et paisible, qui est d’une grande valeur devant Dieu : 1 Pierre 3,4. » Toutes les femmes désirent
être belles. Mais ce qui fait leur charme premier n’est pas ce qu’elles
ajoutent à leur personne pour briller, mais ce qui habite en elles.
1,12 à 14 :
la jeune femme
Tandis que le roi est dans son
entourage, mon nard diffuse son parfum. Mon bien-aimé est pour moi un bouquet
de myrrhe. Il passera la nuit entre mes seins…
Les traducteurs du texte biblique
ne sont pas unanimes sur le sens qu’il faut donner au début de la réplique de
la jeune femme aux propos du roi. Certains y voient comme ici une indication du
lieu où le souverain se trouve. Le roi serait à table, ou sur un divan avec les
gens de sa cour. D’autres perçoivent une remarque qui aurait l’accent du
défi : « Jusqu’à ce que le roi parvienne à son enclos… ».
La jeune femme se dirait ainsi en elle-même : « Que le roi ne
pense pas que les jeux sont faits ! Je ne suis pas encore sa femme ! »
Quoi qu’il en soit, il semble que
ce n’est pas au roi que la jeune femme parle, mais à elle-même. Dans
l’atmosphère saturée des senteurs du lieu où elle se trouve, ce que la jeune
femme sent et respire, c’est le nard dont elle s’est parfumée : Cantique 4,13-14. Ce parfum qu’elle sent en appelle
dans son souvenir à un autre : celui de la myrrhe dont son bien-aimé est
imprégné. C’est, dit-elle, entre ses seins que ce parfum diffuse sa fragrance.
La jeune femme marque en quelque sorte son territoire. L’enclos de son cœur
n’est pas libre. Il est occupé par son bien-aimé. Celui qui siège au creux de
la partie la plus intime de son être n’est pas devant ses yeux. L’ivresse de
l’amour que lui procure celui qu’elle aime est comme une grappe du meilleur raisin
des vignes d’En-Guédi. Le roi, son palais, sa table, sa cour, peuvent
impressionner. Mais il y a dans le cœur de la jeune femme quelque chose de plus
fort que tout cela. La passion qui unit les amoureux produit, tel le nard ou le
vin, un effet si entêtant que rien ne peut le dissiper.
Il n’est pas anormal que le
sentiment, les émotions que suscite l’amour occultent les autres réalités.
Quand l’amour surgit dans un cœur, la pensée, le visage, les traits de l’autre
en deviennent obsédants. On a beau chercher à le distraire ou l’embarquer vers
d’autres horizons. Il suffit d’un rien, un parfum, une parole, un chant… pour
que le cœur soit ramené à son port d’attache. Cette nostalgie lancinante après
le bien-aimé habite aussi le cœur du peuple en exil. « Aux saules de la
contrée nous avions suspendu nos harpes. Là, nos vainqueurs nous demandaient
des chants, et nos oppresseurs de la joie : Chantez-nous quelques-uns des
cantiques de Sion ! Comment chanterions-nous les cantiques de l’Eternel sur
une terre étrangère ? Si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite
m’oublie ! que ma langue s’attache à mon palais, Si je ne me souviens de
toi, si je ne fais de Jérusalem le principal sujet de ma joie ! : Psaume 137,1 à 6. » Non ! Pour le cœur
du croyant, Babylone ne sera jamais Jérusalem !
1,15 : le
jeune homme
Que tu es belle, mon amie, que tu
es belle ! Tes yeux sont des colombes.
Les yeux, dit-on, sont les
fenêtres de l’âme. A travers eux, nous discernons quel type de personne habite
le corps qui se trouve face à nous. Selon certains experts, si les yeux sont le
miroir de l’âme, c’est qu’ils constituent la partie la plus sincère du visage.
Nous pouvons mentir par nos paroles, mais nous ne le pouvons par notre regard. La
convoitise comme la droiture s’expriment par les yeux : 1 Jean 2,16 ; Proverbes 4,25. Les faux prophètes licencieux qui sévissent dans les
Eglises se reconnaissent, dit l’apôtre Pierre, par leurs yeux pleins
d’adultère : 2 Pierre 2,14. Jean, quant à
lui, tombe comme foudroyé devant le Seigneur glorifié dont les yeux sont comme
une flamme de feu : Apocalypse 2,18. Les
yeux de la jeune femme apparaissent, pour le roi épris d’elle, comme des
colombes. Il lui parle de l’innocence, la douceur et de la pureté qui
caractérisent l’animal : Matthieu 10,16. La
perfection de la colombe est telle est que c’est sous sa forme que le
Saint-Esprit se manifestera au baptême de Jésus : Luc
3,22. Par trois fois, dans le livre, le
jeune homme reprendra la même image pour décrire les yeux de la jeune
femme : Cantique 1,15 ; 4,1 ; 5,2,
des yeux qui finiront par le troubler : Cantique
6,5.
1,16, 17 et 2,1 :
la jeune femme
Que tu es, beau, mon bien-aimé,
que tu es agréable ! Notre lit, c’est la verdure. Les solives de nos
maisons sont des cèdres, nos lambris sont des cyprès. Je suis un narcisse du
Saron, un lis des vallées
Objet du désir du roi, la jeune
femme du cantique a été introduite, avons-nous lu, dans ses appartements : Cantique 1,4. Amoureux d’elle, le roi veut l’éblouir
par la richesse du décor de la future maison dans laquelle elle vivrait. Mais
la jeune fille n’est toujours pas là. La senteur du bouquet de myrrhe qui
repose entre ses seins (l’amour qu’elle ressent pour son bien-aimé) la porte
loin des ors rutilants du palais du roi. La maison de son cœur n’est pas faite
d’or et de tentures majestueuses. Son lit, c’est la verdure, ses lambris sont
les cyprès qui poussent sur les flancs des montagnes où le berger de son cœur
garde son troupeau. Son bonheur à elle n’est pas celui dont rêvent toutes les
filles de Jérusalem. Il est d’être une simple fleur qui se nourrit de la pluie
qui tombe et des rayons du soleil. La création de Dieu est sa maison, son
chez-soi. La simplicité naturelle du décor qu’elle affectionne ne tient qu’à
une seule chose : le fait d’être avec lui, celui que son cœur aime. Sans
lui, peut-être que le palais du roi aurait eu quelques attraits. Mais le vrai
trésor de la jeune femme ne se trouve pas dans le décor du lieu où elle vit. Il
est dans l’amour que la lie à son bien-aimé. Où il est, elle veut être ;
où il demeure, elle habitera : cf Ruth 1,16.
Ils sont nombreux dans l’Ecriture
les croyants qui, par amour pour Dieu, ont décliné les offres avantageuses qui
leur étaient faites pour un sort humainement peu enviable. Nous pouvons citer
en premier Abraham, notre père à tous dans la foi. Délaissant les plaines
luxuriantes de Sodome au profit de son neveu Loth, il optera pour les hauts
plateaux de Canaan aux pâturages plus maigres : Genèse
13,5 à 13. Moïse, après lui, refusera d’être appelé fils de la fille de
Pharaon. Il préfèrera être maltraité avec le peuple de Dieu plutôt que d’avoir
momentanément la jouissance du péché. Il considérait l’humiliation attachée au
Messie comme une richesse plus grande que tous les trésors de l’Egypte, car il
avait le regard fixé sur la récompense à venir : Hébreux
11,24-26. De tous, Jésus est celui qui a vécu le renoncement le plus
grand. Partageant la gloire de son Père, il a quitté les cieux pour revêtir la
condition humaine. Devenu homme, il s’est dépouillé de tout, y compris de sa
justice, pour finir comme un malfaiteur, cloué sur une croix : cf Philippiens 2,5 à 8. La force qui l’animait tenait à
une seule chose : l’amour pour Dieu et pour les siens. Rien n’est plus
fort que l’amour !
2,2 :
le jeune homme
Pareille à un lis au milieu des
ronces, telle est mon amie parmi les filles
C’est par une comparaison avec le
lis des vallées que la jeune fille a conclu sa déclaration d’amour à son
bien-aimé. Par elle, elle signifiait le caractère champêtre du cadre qu’elle
voulait pour sa vie. La jeune fille témoignait qu’elle n’était pas faite pour
les murs lambrissés et dorés du palais du roi. Son bonheur était de vivre à
l’air libre, dans les grandes prairies où son bien-aimé faisait paître ses
troupeaux.
La comparaison que fait la jeune
femme avec le lis n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Le lis est, selon
Jésus, l’une des plus belles fleurs qui soit : Matthieu
6,28. Le jeune homme n’entend pas ce que la jeune femme voulait dire. Il
reprend l’image qu’elle a utilisée pour exprimer la haute idée qu’il a de sa
personne. Oui ! Sa bien-aimée est un lis. Elle est une jeune femme d’une
beauté supérieure. Elle possède de si belles qualités et vertus qu’elle détonne
complètement des autres filles. Elle paraît au milieu d’elles comme un lis
parmi des ronces.
Qui a un peu de culture biblique
le sait ! Les ronces n’existaient pas en Eden. Elles ne feront leur
apparition que suite à la désobéissance d’Adam et Eve : Genèse 3,18. Les ronces dans la nature sont le
résultat du péché, un des fruits de la malédiction qu’il a entraîné dans l’humanité.
Si belles soient les jeunes filles que côtoient dans sa cour le roi, toutes
portent la marque de la flétrissure de la corruption. Elles peuvent avoir des
tailles de guêpe, elles sont aussi des guêpes de taille. Leur caractère retors,
leur jalousie maladive et leur désir récurrent de séduire pervertissent tout.
La simplicité, la douceur de la jeune femme, perçue déjà dans ses yeux de
colombe, font d’elle une femme unique. Quel roi n’aimerait pas avoir à ses
côtés une telle épouse ? Puisse l’Eglise paraître aux yeux de son Seigneur
semblable à la jeune fille pour le roi : cf Ephésiens
5,26.
V 3 à 6 :
la jeune femme
Pareil à un pommier parmi les
arbres de la forêt, tel est mon bien-aimé parmi les jeunes hommes. J’aime
m’asseoir à son ombre, et son fruit est doux à mon goût.
Depuis qu’il a pris la parole (1,9), le roi s’est engagé dans un concours de louange
avec la jeune femme. Dans cette course, l’un après l’autre, échange après
échange, tentent de tenir la corde. Le roi flatte la beauté de la jeune fille,
magnifique comme une jument attelée aux chars de Pharaon. Celle-ci lui parle de
son bien-aimé, semblable à un bouquet de myrrhe blotti entre ses seins. Le roi
récidive dans la louange et communique l’admiration qu’il a pour ses yeux. La
jeune fille lui répond en lui disant que sa place est d’être avec son bien-aimé
dans les grands espaces. Elle n’a pas soif de grandeur, mais trouve sa joie à
être un simple lis des vallées. Le roi acquiesce à la description qu’elle fait
d’elle. La jeune fille se distingue tant des autres qu’elle est pour lui comme
un lis au milieu des ronces. La jeune fille poursuit en imitant la stratégie du
roi. Elle ne cherche pas à aller contre lui et ses prétentions. Elle se
concentre sur la description de son bien-aimé. Si elle est un lis parmi des
ronces, lui est un pommier au milieu des arbres de la forêt. L’image parle
d’elle-même. La place du pommier est d’être dans un verger, non dans un bois.
Le bien-aimé du cœur de la jeune femme est si unique qu’il se distingue lui aussi
au milieu de tous. La jeune fille tient à le signifier au roi. Si grand soit
son rang, son bien-aimé lui est supérieur. Il a pour elle une nature, un
attrait qu’elle ne trouve nulle part ailleurs. Elle n’aspire qu’à une
chose : se reposer à son ombre et goûter aux fruits délicieux qu’il porte.
« J’ai cherché, cherché…
creusé, creusé… fouillé, fouillé… dit un cantique[4].
Il n’y a vraiment personne comme Jésus. » Qui a
connu Jésus ne peut qu’adhérer au témoignage que rend la jeune fille à son
bien-aimé. Jésus, dans son humanité, n’est certes parmi les grands, les riches,
les seigneurs de ce monde. Mais il possède une nature qui, aux yeux de ceux qui
l’aiment, le rend incomparable. Les fruits qui émanent de lui (humilité, amour,
bonté, fidélité, vérité…) ont une telle saveur qu’ils réjouissent le cœur comme
rien d’autre ne le peut. Le repos qu’il procure à qui se tient près de lui est
inégalable.
« La perfection morale de
Christ impressionne d’elle-même le lecteur sérieux des Evangiles. Les évangélistes
y présentent le portrait d’un homme, un homme véritable, qui manifeste la
perfection à chaque étape de sa croissance et dans chaque circonstance de sa
vie. C’est d’autant plus remarquable qu’il ne s’enferma pas dans quelque
cloître isolé, mais se mêla librement et avec naturel aux hommes imparfaits de
sa propre génération… Le caractère de notre Seigneur était merveilleusement
équilibré, sans excès ni manque… On a dit que, dans le caractère de Jésus,
n’apparaissaient pas de points forts parce qu’il n’y en avait pas de faibles.
Des points forts supposent nécessairement qu’il existe des points faibles, mais
on ne peut lui prêter aucune faiblesse… Si Shakespeare entrait, nous devrions
tous nous lever, mais si c’était Jésus qui apparaissait, nous devrions tous
nous agenouiller (Charles Lamb). »[5]
Jésus est-il pour vous l’un des
grands hommes de l’histoire ? Ou au-dessus de tout et de tous ?
Il m’a fait entrer dans la maison
du vin, et l’étendard qu’il déploie au-dessus de moi, c’est l’amour.
Il faut que le roi le
comprenne : l’attrait irrésistible que la jeune femme ressent pour son
bien-aimé ne vient pas uniquement des sentiments de son cœur. Il est l’effet de
l’ivresse que son amour produit en elle. Si la jeune femme aime tant son bien-aimé,
c’est qu’il l’a conquise par l’arme la plus puissante de toutes : l’amour.
L’amour est l’étendard, l’enseigne au nom de laquelle il a fait le siège de son
cœur et gagné le droit de l’enlever. Or, rien n’est au-dessus de l’amour. Rien
n’a le pouvoir de l’éclipser. « Les grandes eaux ne pourront pas
éteindre l’amour, ni les fleuves le submerger. Même si un homme offrait tous
les biens de sa maison contre l’amour, il ne s’attirerait que le mépris : Cantique 8,7. » Rien, non plus, dit Paul, ne
peut se substituer à l’amour, le remplacer : « Si je parle les
langues des hommes, et même celles des anges, mais que je n’ai pas l’amour, je
suis un cuivre qui résonne ou une cymbale qui retentit. Si j’ai le don de
prophétie, la compréhension de tous les mystères et toute la connaissance, si
j’ai même toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, mais que je n’ai pas
l’amour, je ne suis rien. Et si je distribue tous mes biens aux pauvres, si
même je livre mon corps aux flammes, mais que je n’ai pas l’amour, cela ne me
sert à rien : 1 Corinthiens 13,1 à 3. »
Dieu, nous rappelle l’apôtre
Jean, est amour : 1 Jean 4,16. Aussi
connaître Dieu, c’est connaître l’amour. Comme il en est pour la jeune femme,
notre amour pour Dieu n’est pas premier, mais second. Il est le fruit de
l’amour dont nous avons été l’objet de sa part. C’est parce que Dieu nous a
donné, par Jésus-Christ, toutes les preuves de son amour que notre cœur s’est
donné à lui. Nous l’aimons, parce qu’il nous a aimés le premier : 1 Jean 4,19. L’amour est une forteresse. Le diable le
sait lui qui, par tous les moyens, cherche à nous en faire sortir. Nous devons
le savoir ! Les manœuvres du Malin n’ont qu’un seul but : détacher
notre cœur de l’amour de Christ. Car qui demeure dans l’amour est imprenable.
En effet, qui se sait aimé de Dieu a trouvé une valeur que rien ne dépasse. Ton
amour, ô Dieu, est meilleur que le vin : cf Cantique
1,2.
Soutenez- moi avec des gâteaux de
raisin, fortifiez-moi avec des pommes, car je suis malade d’amour. Que sa main
gauche soutienne ma tête et que de sa main droit il m’enlace !
Vécu trop longtemps à distance,
l’amour peut rendre malade celui ou celle en qui il habite. Tous les soupirs de
la jeune femme le disent : l’absence de son bien-aimé crée en elle une
nostalgie qui tourne au manque. L’amour crée une addiction qui n’est soulagée
que par le contact avec l’être aimé. Les premiers mots du cantique prononcés
par la jeune femme en témoignent : l’amour pousse à la proximité des corps :
Cantique 1,2. L’apôtre Paul, qui l’avait
compris, incite pour cette raison les époux à ne pas jeûner l’un de l’autre
trop longtemps : « Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’est
d’un commun accord pour un temps, afin de vous consacrer |au jeûne et| à la
prière ; puis retournez ensemble, de peur que Satan ne vous tente à cause de
votre manque de maîtrise : 1 Corinthiens 7,5. »
Lorsque l’être aimé est absent,
quel palliatif a le pouvoir de soulager le cœur meurtri ? Que demande la
jeune fille pour la soutenir dans la langueur qu’elle éprouve ? Une seule
chose : un souvenir qui a le goût du fruit de son amour. La jeune femme
l’a dit : son bien-aimé est pour elle comme une grappe de henné de vignes
d’En-Guédi : Cantique 1,12, comme un
pommier au milieu des arbres de la forêt : Cantique
2,3. Si les jeunes filles de Jérusalem veulent se comporter en amies,
qu’elles lui préparent des gâteaux de raisin et lui procure des pommes.
Qu’elles chantent son souvenir ! Qu’elles s’entretiennent avec elle de ses
charmes ! Tous les amoureux le savent : un souvenir, une photo de l’être
aimé ne remplacent pas sa présence, mais ils aident grandement le cœur à
supporter l’absence.
Peu avant son départ, le Seigneur
a réuni ses disciples dans une chambre haute. Le temps n’était pas à la fête
dans les cœurs. Jésus avait annoncé, non seulement qu’il allait mourir, mais
qu’il retournait dans la gloire d’où il était venu. Une période de longue
absence s’ouvrait à eux… qui dure jusqu’à aujourd’hui. Jésus connaissait le
besoin du cœur exprimé par la jeune femme. S’il n’était plus là, il fallait que
les disciples aient quelque part un souvenir de lui qui le rattache à son amour
pour eux. Pour se faire, il instituera la Cène, par laquelle il invite les
disciples à se rappeler de lui jusqu’à ce qu’il vienne : cf 1 Corinthiens 11,23 à 26. Lorsque Jésus était là, Jean
le dit : leurs yeux ont vu, leurs oreilles ont entendu, leurs mains ont
touché la parole de vie : 1 Jean 1,1. La
Cène ne saurait remplacer la présence physique et vivante de Jésus. Mais elle
stimule dans le cœur du disciple le souvenir de l’extrémité de son amour. Viens
bientôt, cher Sauveur ! Que notre cœur saute d’allégresse en te voyant,
enfin !
V 7 :
le jeune homme
Je vous en supplie, filles de
Jérusalem, par les gazelles et les biches des champs, ne réveillez-pas, ne
réveillez-pas l’amour avant qu’elle ne le veuille
Le premier acte de la pièce qui
se joue devant nos yeux se termine. Il a posé l’intrigue qui en est le cœur et
a fait défiler tour à tour les personnages qui en sont les acteurs. Les assauts
du roi en vue de captiver le cœur de la jeune fille n’ont rencontré aucun
succès. Telle une citadelle, l’amour qu’elle porte à son bien-aimé loin de ses
yeux lui a assuré une défense sans faille. Le jeune homme l’a bien compris. L’amour
ne peut être forcé. Pour l’aider dans sa conquête, le jeune roi pouvait compter
sur de sûres alliées : les filles de Jérusalem. Sous son charme, elles
avaient comme mission d’incliner le cœur de la jeune fille en vue d’éveiller
son amour pour lui. Elles n’y sont pas davantage parvenues que lui. Aussi, le
roi les conjure de ne plus rien tenter dans ce but. Toute pression aurait le
même effet qu’une approche trop brusque d’une biche ou d’une gazelle : l’effaroucher,
la faire fuir. Le jeune homme doit se rendre à l’évidence. Il prend acte de la situation.
Malgré toutes les démonstrations d’attention, l’éveil de l’amour ne s’est pas
fait dans son cœur pour lui. Si la pièce s’arrêtait ici, elle se finirait sur
un score en faveur de la jeune fille. Au sujet de l’amour, elle n’en aime qu’un.
Et à son intention, c’est le zéro qui prévaut.
[1] https://www.psychologies.com/Couple/Sexualite/Desir/Articles-et-Dossiers/Petit-eloge-du-baiser
[2] Que
ferait Jésus à ma place ? CH-M. Sheldon – Edition CLC 1975, page210
[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_de_la_tour_de_Nesle
[4] http://jemaf.fr/chant=jemk046
[5] Le
Christ incomparable : J. Oswald Sanders : Editions Vida
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